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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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désormais teintée de sang, le corps minuscule
et bleuâtre d’un fœtus mort-né venait d’apparaître.
    Desiderius fut le
premier à retrouver l’usage de la parole.
    — C’est un
miracle ! s’exclama-t-il, tombant à genoux.
    — Sorcellerie !
cria quelqu’un d’autre.
    Tous se
signèrent.
    La foule se
pressa pour voir ce qui s’était passé. On jouait des coudes, on se bousculait,
on écrasait les pieds de son voisin pour parfaire son point de vue.
    — Reculez !
criaient les diacres, agitant leurs crucifix comme autant de gourdins pour
repousser la foule, de plus en plus houleuse.
    Quelques
échauffourées se déclarèrent au pourtour de la procession. Les gardes
intervinrent avec brutalité.
    Jeanne assista à
toutes ces choses de très loin. Gisant sur le pavé dans une mare de son propre
sang, elle se sentait peu à peu saisie d’une miraculeuse sensation de paix. La
rue, la foule, les bannières de la procession s’auréolèrent dans son esprit d’une
étrange lumière. On eût dit que tous ces éléments formaient la trame d’une
gigantesque tapisserie dont elle venait seulement, enfin, de cerner le motif.
    Elle sentit son
esprit s’épanouir en elle et combler son vide intérieur. Elle était à présent
baignée d’une glorieuse lumière. La foi et le doute, la volonté et le désir, le
cœur et la raison... Tout cela ne faisait qu’un. Tout cela était Dieu.
    La lumière
augmenta encore. Avec un ultime sourire, Jeanne partit à sa rencontre au moment
où les bruits et les couleurs du monde se dissolvaient dans l’invisible, tel le
disque lunaire à l’orée de l’aube.

ÉPILOGUE
      Quarante-deux
ans plus tard
     
    Anastase, assis
devant un pupitre de la salle des copistes du Latran, rédigeait une lettre. Sa
main raidie par l’arthrose et la vieillesse le faisait souffrir à chaque
mouvement de plume. Cependant, en dépit de la douleur, il continua d’écrire.
Cette missive, de la plus haute urgence, devait être envoyée sans délai.
    « À sa
Majesté le vénérable empereur Arnoul », inscrivit-il en en-tête.
    Lothaire n’était
plus de ce monde depuis longtemps : il avait péri quelques mois après son
départ de Rome. Son trône était d’abord revenu à son fils Louis II, puis, à la
mort de celui-ci, au neveu de Lothaire, Charles le Gros. Le décès de Charles,
en 888, avait scellé le sort de la lignée carolingienne, inaugurée par l’illustre
Charlemagne. Arnoul, duc de Carinthie, avait alors réussi à s’emparer du trône
au détriment d’un bataillon de prétendants. Dans l’ensemble, Anastase avait
plutôt vu ce changement d’un bon œil. Arnoul était plus perspicace et plus
puissant que Lothaire. Anastase comptait justement faire appel à ces qualités,
car il était grand temps de faire quelque chose au sujet du pape Étienne VI.
    Le mois
précédent, à la grande horreur de toute la noblesse de Rome, Étienne avait fait
scandale en ordonnant que l’on fît venir au Latran la dépouille de Formose, l’un
de ses prédécesseurs. Après avoir fait installer le cadavre sur un siège d’accusé,
Étienne avait présidé à une caricature de « procès ». Non content d’accabler
le défunt de toutes sortes de calomnies, il lui avait fait trancher trois
doigts de la main droite  – celle qui portait l’anneau papal  – en
guise de châtiment pour les crimes que Formose venait d’« avouer ».
    « J’en
appelle à Votre Majesté, écrivit Anastase, pour intervenir à Rome et mettre un
terme aux excès de notre pontife, qui sont la honte de toute la chrétienté. »
    Une soudaine
crampe fit trembler sa plume. Quelques gouttes d’encre se répandirent sur le
parchemin. Jurant dans sa barbe, Anastase essuya les taches, posa sa plume et
étira ses doigts, en les massant pour soulager la douleur.
    Il est bien
étrange, se dit-il avec une pointe d’amertume, qu’un
homme tel qu’Étienne ait pu accéder à la papauté, alors que moi-même, que ma
naissance et mon savoir prédestinaient naturellement à cette dignité, n’y suis
jamais parvenu.
    Il était passé
tout près du but. Après la mort honteuse de la papesse, Anastase avait occupé
le Latran, revendiquant le Trône de Pierre avec la bénédiction de l’empereur
Lothaire.
    Que n’eût-il
accompli si on l’avait laissé régner ! Hélas, le destin en avait décidé
autrement. Une poignée de clercs, peu nombreux mais influents, s’était farouchement
opposée à lui. Pendant

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