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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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peur, se
dit-il, et ce défaut de volonté au moment crucial qui l’ont toujours empêché
d’accéder à la gloire.
    Son père, lui
aussi, le dévisageait curieusement. Dans les profondeurs de ses prunelles, dont
les ans avaient fini par ternir l’éclat, Anastase crut lire de l’inquiétude,
mais aussi un autre sentiment, un sentiment qu’il n’y avait jamais vu : le
respect.
    Il plaça une main
sur l’épaule paternelle.
    — Faites-moi
confiance, Père. Vous serez bientôt fier de moi, je vous le promets.
     
     
    Les Rogations
étaient une fête fixe, invariablement célébrée le 25 avril. Comme tant d’autres
commémorations de même nature  – l’Oblation, la fête du Trône de saint
Pierre, la semaine des Quatre-Temps, la Noël  –, ses racines remontaient à
l’ère païenne. Dans la Rome antique, le 25 avril était la date des Robigalia,
fêtes en l’honneur de Robigo, dieu du Gel, qui en cette saison pouvait causer
de terribles dommages aux fruits de la terre s’il n’était amadoué à grand
renfort de dons et d’offrandes. Les Robigalia étaient un festival plein d’allégresse,
comportant une grande procession qui traversait toute la ville jusqu’à un champ
de maïs, où des animaux étaient solennellement sacrifiés. Cette procession
était suivie de courses, de jeux et d’autres formes de divertissement dans les
prés voisins. Plutôt que de chercher à supprimer cette tradition de longue
date, ce qui n’eût fait qu’éloigner ceux qu’ils cherchaient à convertir à la
foi chrétienne, les premiers papes choisirent sagement de maintenir ces
festivités, en leur conférant un caractère plus chrétien. La procession des Rogations
se dirigeait toujours vers un champ de maïs, mais elle s’arrêtait d’abord à la
basilique Saint-Pierre, où l’on célébrait une messe en grande pompe pour
honorer le Seigneur et le supplier, par l’entremise des saints, de bénir la
future moisson.
    Cette année, le
ciel avait choisi de coopérer : aussi bleu qu’une étoffe fraîchement
teinte, il était dénué de la moindre trace de nuage. Le soleil répandait une
lumière dorée sur les arbres et les toitures, et la caresse bienvenue d’une
brise du nord tempérait sa chaleur.
    Jeanne
chevauchait au milieu de la procession aux bannières chamarrées, derrière les
acolytes et les defensores, à pied, et les sept diacres régionaux, qui eux
allaient à cheval. Suivaient les optimates et les autres dignitaires du palais
apostolique. Au moment où le long cortège traversait la cour du Latran et
passait devant la statue de bronze de la Louve, Jeanne s’agita nerveusement sur
son blanc palefroi. Sa selle devait avoir été mal mise, car déjà son dos était
saisi de douleurs sourdes qui revenaient à intervalles réguliers.
    Gerold, imité par
les autres cavaliers de la garde, passait son temps à remonter et à redescendre
la procession à cheval. À un moment donné, il s’arrêta à la hauteur de Jeanne,
plus beau que jamais dans son armure d’apparat.
    — Ne te
sens-tu pas bien ? lui glissa-t-il. Tu es pâle.
    — Tout va
bien, répondit-elle avec un sourire forcé.
    Dès que la
procession déboucha sur la Via Sacra, Jeanne fut saluée par un tonnerre d’acclamations.
Conscient de la menace que représentaient Lothaire et son armée, le peuple de
Rome était venu en nombre pour manifester son amour et son soutien au pape. La
foule se massait sur vingt pieds de chaque côté de la chaussée, lançant cris et
vivats, de sorte que les gardes étaient fréquemment obligés de repousser les
badauds pour ouvrir un passage au cortège. Si Lothaire avait encore eu besoin d’une
preuve de la popularité de Jeanne, il était servi.
    Chantant et
agitant leurs encensoirs, les acolytes furent les premiers à s’engager sur cette
voie antique, empruntée par les papes depuis la nuit des temps. Leur pas était
encore plus lent qu’à l’accoutumée, car de nombreux requérants attendaient le
pontife au bord de la route ; et selon la coutume, la procession s’arrêtait
chaque fois qu’il le fallait pour que Jeanne entendît leurs doléances. Lors d’une
de ces haltes, une vieille femme aux cheveux gris et au visage tailladé se jeta
au sol, quasiment sous les sabots de son palefroi.
    — Pardonnez-moi,
Très Saint Père ! hurla-t-elle. Pardonnez- moi pour le mal que je vous ai
fait !
    — Lève-toi,
brave femme, et sèche vite tes pleurs, répondit Jeanne. Car je ne vois

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