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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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cheval de rejoindre Gerold, mais les diacres, méfiants, le retinrent par
la bride.
    — Laissez-moi
aller ! s’exclama-t-elle. Lâchez-moi !
    Elle ne fut pas
obéie. Impuissante, elle vit les gueux cerner Gerold, tendre les bras vers lui,
agripper sa ceinture, sa tunique, ses membres, et le faire glisser à bas de sa
selle. Sa chevelure de feu lança un dernier éclair, et il fut englouti au cœur
de la mêlée.
    Jeanne sauta à
bas de son palefroi et se mit à courir, en se frayant un chemin entre les
acolytes effarés. Lorsqu’elle atteignit enfin le bord de la chaussée, la foule
s’entrouvrait déjà devant les gardes, de retour avec le corps inerte de leur
chef.
    On déposa Gerold
par terre. Elle s’agenouilla près de lui. Un filet de sang s’échappait de la
commissure de ses lèvres. En hâte, elle retira son pallium, le froissa, et le
pressa contre la blessure de son dos, dans l’espoir d’endiguer l’hémorragie. C’était
peine perdue. En quelques minutes, l’épaisse étoffe fut gorgée de sang.
    Leurs yeux
échangèrent un regard intense, un regard empreint d’amour et de douloureuse
résignation. Un effroi indicible s’empara soudain de Jeanne.
    — Non !
s’écria-t-elle en le serrant dans ses bras, comme si cette étreinte pouvait
suffire à repousser l’inévitable. Ne meurs pas, Gerold ! Ne me laisse pas
seule !
    Il leva vaguement
une main. Quand elle la prit dans la sienne, il réussit à grimacer un sourire.
    — Ma
perle...
    Sa voix était
faible, comme si elle venait de très loin.
    — Résiste,
Gerold, reste avec nous. Nous allons te ramener au Latran. Nous...
    Jeanne le sentit
partir avant même son dernier soupir, avant même que son grand corps ne se fut
tout à coup affaissé entre ses bras. Elle se pencha encore, lui caressa
longuement la chevelure, le visage. Il gisait, inerte et paisible, les lèvres entrouvertes,
les yeux levés vers le ciel.
    Ce n’était pas
possible. Son esprit était forcément resté près d’elle. Elle allait le revoir,
il suffisait de le chercher. Elle regarda tout autour d’elle. S’il se cachait
dans les parages, il lui adresserait un signe. S’il était encore quelque part,
il le lui ferait savoir.
    Elle ne vit rien.
Ne sentit rien. Dans ses bras gisait un cadavre, un cadavre doté de son visage.
    — Dieu l’a
rappelé à lui, soupira Desiderius.
    Elle ne fit pas
un geste. Tant qu’elle le tiendrait dans ses bras, il ne serait pas entièrement
parti. Une part de lui resterait auprès d’elle.
    Desiderius lui
prit le bras.
    — Menons-le
jusqu’à l’église.
    À travers un
brouillard, elle entendit et comprit. L’archidiacre avait raison : il ne
fallait pas que Gerold restât en pleine rue, sous les regards curieux de cette
foule inconnue. Elle devait veiller à ce qu’on lui rendit dignement les
derniers honneurs ; c’était tout ce qu’elle pouvait faire pour lui.
    Elle le reposa
doucement sur le sol, comme si elle craignait de lui faire mal, puis ferma ses
paupières et croisa ses bras sur sa poitrine afin que les gardes pussent l’emporter
dignement.
    À l’instant où
elle voulut se relever, elle fut prise d’une douleur si violente qu’elle se
courba en deux et retomba au sol avec un hoquet. Son corps se souleva en une
série d’effroyables spasmes. Une formidable pression lui broya la poitrine,
comme si un poids énorme s’était soudain écrasé sur elle. Cette pression
descendit peu à peu vers son aine, toujours plus forte, si forte qu’elle crut
que ses entrailles allaient se déchirer.
    L’enfant. Il
va naître.
    — Gerold !
hurla-t-elle avec un râle de douleur.
    Il ne pouvait
plus rien pour elle. Elle était seule.
    — Deus
misereatur ! s’exclama Desiderius. Sa Sainteté
est possédée par le démon !
    La foule, frappée
d’une terreur extrême, se mit à crier et à gémir.
    Aurianos, le
doyen des exorcistes, s’avança à la hâte et aspergea Jeanne d’eau bénite.
    — Exorcizo
te, immundissime spiritus, omnis incursio adversarii, omne phantasma...
    Tous les regards
étaient fixés sur elle. Chacun s’attendait à voir l’esprit malin s’échapper de
sa bouche ou de son oreille.
    Elle hurla encore
une fois au moment où, après une ultime contraction de douleur, la terrible
pression s’estompa soudain, expulsée de ses entrailles dans un grand flot de
sang.
    La voix d’Aurianos
se tut, remplacée par un silence médusé.
    Sous l’ourlet de
l’ample robe blanche du pontife,

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