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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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était morte trois jours auparavant et Emma de Mortefontaine n’avait aucun remords de l’avoir aidée à s’en aller.
     
    — Comment osez-vous, grinça Cormac en l’entraînant à l’écart, la dernière pelletée de terre jetée sur le cercueil.
    — Calmez-vous, le gourmanda Emma avec froideur. On nous regarde. Je n’apprécierais pas qu’on nous imagine amants. Surtout aujourd’hui.
    — Allez-vous-en, insista-t-il. Allez-vous-en ou par Dieu je jure…
    — Ne jurez pas, William. Vous savez fort bien que vous n’avez pas les moyens de vos ambitions.
    — C’est vous qui l’avez tuée, jeta-t-il dans un souffle. Je le sais.
    — Prouvez-le, ricana Emma. Vous ne le pourrez jamais, mon cher. Reprenez-vous. Votre fille s’en vient.
    — Je vous interdis, commença Cormac, avant de se mordre la lèvre de rage.
    Un sourire cynique le cueillit. Emma de Mortefontaine se détourna de lui pour s’avancer à la rencontre d’Ann.
    Cheveux roux et bouclés, visage triangulaire, regard brun et décidé, Ann était à présent une fort charmante jouvencelle.
    — Ann, ma chère Ann, lui dit-elle d’une voix pleine de douleur en lui prenant les mains, comme je suis bouleversée de votre chagrin.
    — Il me mine, madame, avoua Ann. Mère était si généreuse, et exemplaire. Ce fut si brutal.
    — Si brutal, en effet, répéta Emma. Vous savez, chère enfant, que vous pourrez toujours compter sur mon affection, quel que soit le chagrin qui vous pèse. Ne l’oubliez jamais.
    Ann hocha la tête. William Cormac enroula un bras protecteur autour de celui de sa fille.
    — Allons-y, ma chérie, veux-tu ?
    Ann hocha la tête, ébranlée.
    Emma s’écarta et les laissa s’éloigner, dissimulant un sourire satisfait. A l’inverse d’autres qui, pour se donner bonne conscience, s’attardaient sur la tombe de Marie Brenan, Emma sortit du cimetière pour rejoindre sa voiture.
    — On rentre, dit-elle à Gabriel, qui lui servait de cocher.
    Celui-ci referma la porte sur elle et, reprenant sa place, secoua la bride pour faire avancer l’attelage.
    Cela faisait maintenant quinze années qu’Emma de Mortefontaine avait quitté l’Europe.
    Elle y avait liquidé ses affaires en quelques mois, amassant une fortune qui la mettait à l’abri jusqu’à la fin de ses jours. Détestant l’idée d’être contrainte par les pirates en longeant les Caraïbes, elle n’avait conservé qu’une flottille de quatre frégates armées. Aujourd’hui encore, ces navires convoyaient ses marchandises à destination de l’Europe. Elle avait racheté plusieurs plantations limitrophes de la sienne, tout comme Cormac l’avait fait de son côté. Désormais, ils se trouvaient être tous deux les plus riches et mieux nantis des planteurs de la région. On leur accordait respect et amitié.
     
    Emma s’était faite discrète les premières années, afin de ne pas brusquer Ann ni réveiller en elle le souvenir de son traumatisme. L’enfant choquée qu’elle avait confiée aux Cormac s’était peu à peu remise. Au dire de Marie Brenan, il ne lui en restait que quelques cauchemars furtifs, des sensations, le bruit d’une déflagration. Cormac avait prétendu qu’ils avaient été attaqués par des brigands à leur arrivée à Charleston et Ann s’était finalement réfugiée derrière cette version. Comme le visage de Niklaus, celui d’Emma s’était effacé. Celle-ci en avait pu juger très vite. Trois ans seulement après le drame, la fillette lui souriait et ne craignait plus de venir sur ses genoux.
    L’amour dont Marie Brenan et William Cormac l’avaient couverte l’avait guérie de tout. Emma ne passait pas un jour, depuis, sans venir visiter les Cormac, s’entretenir avec Ann.
    Plus les années s’écoulaient, plus son affection pour l’enfant grandissait, nourrie du manque que Mary Read lui avait laissé. Emma avait failli en mourir. S’il n’y avait eu Gabriel pour l’arracher à son apathie morbide, elle serait devenue folle de désespoir et de frustration. Il s’était rendu indispensable, jouissant de fait de tout ce qu’elle possédait, sans pour autant aliéner sa liberté. Il était devenu son maître bien plus que son valet.
    De son côté, l’innocence et la tendresse d’Ann lui avaient, par sa seule présence, rendu une part d’humanité. Emma avait retrouvé la paix. Les secrets du marquis de Baletti en étaient aussi une des causes. Avant d’incendier sa demeure à Venise, ses hommes

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