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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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un des frères Raymond, présent lorsque Mary avait chuté, s’était encordé et avait plongé.
    L’espace entre les deux navires était étroit et le mouvement des coques créait des remous au gré de la houle, le rendant dangereux. Mary avait coulé, aspirée par le fond. Tenter de la sauver était suicidaire. L’Antoine Raymond n’avait pourtant pas hésité.
    — J’y vais aussi, décida Junior, livide.
    Corneille l’arrêta.
    — Si lui ne peut la sauver, alors personne ne le peut, conclut-il d’une voix blanche.
    Tous retinrent leur souffle.
    La corde, tenue par quatre gaillards, tressauta deux fois et les hommes se mirent à tirer, aidés par Junior qui ne supportait pas son impuissance. L’Antoine réapparut, la tête inerte de Mary contre la sienne. Les flots les battaient, les poussant sur les carènes. Malgré le ressac, il la tenait fermement par la taille. Le vent avait forci et les deux navires pouvaient encore les écraser de leur masse. La moindre manœuvre risquait de les perdre. Les matelots, conscients du danger, s’empressaient, malgré le peu d’espace dont ils disposaient sur la passerelle.
    On s’était massés contre le bastingage sur chacun des navires, abandonnant toute tâche. Ce qui n’avait été sur l’instant qu’une distraction pour beaucoup s’était transformé en angoisse au seul nom de Mary. On pouvait admettre de perdre un compagnon. Pas elle.
    De longues minutes s’écoulèrent. Pas un bruit autre que le cliquetis des mâts, le bruissement des voiles défroquées et le claquement de l’eau contre les coques ne troubla leur progression. Un silence de mort plombait les marins.
    A hauteur de passerelle, Corneille et Barks empoignèrent Mary sous les aisselles et la hissèrent. Corneille l’emporta aussitôt pour la mettre en sécurité sur le Bay Daniel, le cœur déchiré de la voir blafarde, les narines pincées et la nuque pendante. Il refusa de penser qu’elle ait pu passer. Il aurait voulu le vérifier là, sur l’instant, mais la passerelle était trop étroite et encombrée. D’autant qu’Antoine Raymond y grimpait à son tour, acclamé par ses compagnons. Il était exténué et couvert de sang. Ecorché de toutes parts.
    Junior le remercia chaleureusement, puis s’élança derrière Corneille qui, déjà, déposait Mary à terre, à même le pont. Jambe-Torte, le chirurgien qu’on avait prévenu et fait remonter du théâtre, se pencha au-dessus d’elle.
    — Ecartez-vous, morbleu, laissez-lui de l’air ! beugla-t-il.
    Autour d’eux, le cercle des matelots s’était resserré.
    Corneille demeura là, auprès de Junior, tandis que Jambe-Torte s’activait au-dessus du visage de Mary, tentant de la ranimer, pressant sa poitrine par intermittence, soufflant dans ses joues.
    Elle finit par tousser et recracher l’eau qu’elle avait avalée, se tordant sur le côté. Junior se rapprocha machinalement de Corneille en découvrant la plaie qu’elle portait derrière la nuque. Du sang en coulait, abondant et épais. De loin en loin, pourtant, la rumeur enflait, se répandant de bouche en bouche. Mary Read vivait. Jambe-Torte se redressa.
    — Descends-la, Junior, ordonna-t-il. Et vous autres, retournez donc à vos tâches.
    À peine furent-ils éparpillés et Junior éloigné, sa mère dans les bras, qu’il s’approcha de Corneille. Celui-ci n’avait pas bougé.
    — J’aime pas ça, lui dit-il simplement. Fais virer de bord, capitaine, la Tortue est à deux journées de voile. Vaudrait mieux y retourner.
    Le visage de Corneille se contracta. Leurs regards se trouvèrent, pris d’une même inquiétude.
    — Qu’est-ce que tu crains ? demanda-t-il.
    — La raison pour laquelle elle est tombée.
    — Accident, avança Corneille.
    — Mary Read, chuter d’une passerelle ? lança seulement Jambe-Torte avant de se diriger vers le théâtre.
    Corneille sentit son cœur se serrer. Ce n’était pas en effet une hypothèse recevable. Plus sûrement qu’aucun autre sur le Bay Daniel, Mary avait le pied marin et connaissait le danger. Il remonta sur le gaillard d’avant et rejoignit la Tenaille.
    — Paré à décrocher, ordonna-t-il, Duncan et Barks se débrouilleront de ce qu’il reste.
    Il lui avait suffi d’un simple coup d’œil vers ce dernier sur la passerelle pour qu’ils se comprennent.
    — Où allons-nous, capitaine ?
    — On rentre, déclara seulement Corneille. Tiens-toi prêt à barrer. Je descends à son chevet.
    La

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