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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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pour que le vent ne tombe pas.
    Le lendemain, la chance les servait toujours. Le vent persistait et le navire filait sur une mer calme. Jambe-Torte était remonté sur le pont pour prévenir Corneille qu’il était prêt à l’opération et refusait qu’on le dérange. La consigne avait été donnée. Un silence de mort planait sur le navire, troublé seulement par une voix et un violon.
    Corneille avait pris la barre pour s’obliger à garder le cap, à fixer l’horizon. Les hommes vaquaient sans envie à leur quart, tandis que les autres, comme Junior, écoutaient cet air qui chantait Mary. Leur Mary. Sa Mary.
     
    Elle est née sans nom et sans chaîne
    Ballottée au gré des vents
    Partie chercher l’or et l’ébène
    Elle n’a humé que le sang.
    Accrochez tous les drapeaux noirs
    Sur ses rires et sur ses larmes
    Je défie chacun de la croire femme.
     
    Les frères Raymond avaient ce don merveilleux de parler à l’âme. Mary le savait, qui adorait mêler son timbre au leur, s’étonnant d’être leur muse et, tout à la fois, s’en réjouissant.
    Junior rejoignit Corneille. Le violon continuait de jouer, espérant traverser la carène pour donner à Mary la force qui lui manquait. La voix n’était plus, elle, qu’un murmure que les alizés portaient.
    — C’est long, dit-il simplement en saisissant la longue-vue pour fouiller l’horizon.
    — Patience, imposa Corneille. Tout ira bien.
    — Qu’est-ce qu’on fera après ? demanda Junior, la voix blanche.
    — Nous irons chercher ton trésor, répliqua-t-il. As-tu trouvé les coordonnées de cette île ?
    — Ce n’est pas une île, mais une ville, soupira Junior, acceptant cet argument pour se distraire de son angoisse.
    — Une ville ? Es-tu sûr de ne pas t’être trompé ?
    — Port-Royal, lâcha Junior. J’ai refait trois fois mes relevés. Benoît prétend qu’elle a été engloutie par un tremblement de terre en 1692, reconstruite en amont, puis détruite de nouveau par un incendie il y a six ans. Comment retrouver l’emplacement du trésor, dans ce cas ?
    — Port-Royal était un repaire de pirates aussi connu que la Tortue, expliqua Corneille.
    Entrer dans le jeu de Junior l’aidait lui aussi à ne pas penser.
    — La carte est ancienne, c’est visible. Le mieux sera de nous rendre sur place.
    Il s’arrêta net. L’assistant de Jambe-Torte s’en venait vers eux, la mine sombre.
    — Prends la barre, ordonna-t-il à la Tenaille qui scrutait le ciel à ses côtés.
    D’un même élan, Junior et lui se précipitèrent au-devant des nouvelles. Quelques instants plus tard, inquiets, ils se retrouvaient dans le théâtre. Jambe-Torte essuyait ses mains ensanglantées à son tablier. Son front était barré d’une ride soucieuse.
    — Elle a survécu. Mais elle est très faible. Rien n’est joué, avoua-t-il, pessimiste. L’infection est importante. Il est même étonnant qu’elle ait réussi à la contenir de cette manière. Sa résistance me surprend.
    — Tout en elle est surprenant. Le Bay Daniel file douze nœuds. Nous atteindrons la Tortue demain.
    Jambe-Torte hocha la tête. Junior gardait la sienne baissée.
    — Tu peux la voir, garçon, mais pas plus de quelques minutes. Elle dort.
    Junior força aussitôt les rideaux de toile.
    — Quelles sont ses chances ? murmura Corneille.
    Il avait besoin de savoir.
    Le visage de Jambe-Torte se vrilla d’un sourire désabusé. Corneille eut l’impression qu’on venait de le canonner à bout portant. Le chirurgien lui tapota l’épaule.
    — Fais mettre en perce les tonnelets de rhum, dit-il, que les hommes se soûlent cette nuit. Au matin, Junior et toi serez mieux pour affronter la réalité.
    Lorsque Junior reparut quelques instants plus tard, Corneille serra les poings sur sa douleur. Le regard perdu, Junior pleurait.

24
     
     
    E mma de Mortefontaine soutint le regard noir de William Cormac sans sourciller. Elle savait qu’il ne ferait pas d’esclandre. Pas ici. Pas aujourd’hui.
    Dans l’église de la petite ville de Charleston, en Caro-line-du-Sud, pas un murmure ne répondait à l’oraison funèbre prononcée par le prêtre. Seuls des pleurs contenus troublaient l’éloge. Malgré la dignité qu’elle se forçait à garder, Ann Cormac avait du mal à cacher son chagrin devant le cercueil de sa mère.
    Ils se tenaient debout de part et d’autre du curé. Père et fille. Du moins était-ce ainsi que tous ici les voyaient. Marie Brenan

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