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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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avaient récupéré de nombreuses fioles et des documents dans lesquels le marquis avait concentré son savoir. Il avait suffi à Emma de les étudier pour les reproduire. Elle n’avait pu atteindre le grand œuvre, pourtant, et Gabriel avait fini par la convaincre que c’était un leurre inventé par Baletti. Ses élixirs de santé n’en étaient pas et entretenaient sur le visage d’Emma des traits lisses que l’âge ne parvenait à altérer.
    Avec Mary Read, elle avait aussi perdu l’idée de retrouver le second œil de jade. Elle avait donc rangé le crâne de cristal dans un coffre, n’ayant pu supporter longtemps sa présence, qui lui donnait des migraines insoutenables. Difficile pour elle de comprendre comment Baletti avait pu aussi fréquemment se perdre dans sa contemplation. Quelques semaines seulement avaient suffi à l’en décourager. Comme tout ce qui était hors d’atteinte, Emma l’avait désiré, mais il ne l’intéressait plus dès lors qu’elle pouvait s’en rassasier.
    Emma dansait, virevoltait avec grâce, que ce fût à Charleston ou à Cuba. Elle se rendait au moins une fois l’an à La Havane pour inspecter sa plantation de tabac.
    Le reste du temps, elle le passait en affaires ou en amusement. La bourgeoisie, comme la noblesse, en était friande dans ses comptoirs anglais. On y reproduisait des petites cours au nom de la reine Anne. Les maisons des gouverneurs en étaient le centre politique et mondain.
    Emma se trouvait invitée à tous les dîners, concerts, bals ou jeux qui y étaient organisés. Tout comme les Cormac qui, eux aussi, étaient fort prisés.
     
    Ces derniers temps, cela avait cessé de lui suffire. A cause d’Ann. Celle-ci devenait femme et développait un tempérament dans lequel Emma, de plus en plus, reconnaissait celui de Mary Read.
    Cormac s’était offusqué à plusieurs reprises des manières de sa fille. Il se montrait autoritaire, bien que juste, n’acceptant aucun manquement à la discipline qu’il lui imposait. Ann avait reçu la meilleure des instructions et éducations, Emma y avait veillé en vérifiant elle-même ses devoirs malgré l’énervement que cela suscitait chez William Cormac.
    — Me croyez-vous incapable d’élever ma fille ? s’était-il emporté une fois.
    — Elle n’est votre fille que par le fait seul de mon bon vouloir. Ne l’oubliez jamais, avait riposté Emma pour le faire taire.
    Il n’avait plus osé y revenir.
    Tout avait basculé la semaine précédente. Devant une image. Emma était arrivée en avance sur l’heure du dîner chez les Cormac. Tous les mercredis, elle était leur invitée. Le domestique l’avait introduite dans le petit salon. Attirée par les hurlements furieux de Cormac, Emma n’avait pu résister à la curiosité et avait forcé les portes de son cabinet.
    Elle avait failli s’étrangler sous le coup de la surprise. D’autant que, la voyant surgir, Cormac s’était immobilisé, fauché dans sa colère. Face à elle, Emma, un instant, avait cru retrouver Mary Oliver, du temps qu’elle était son secrétaire particulier.
    Les cheveux longs noués par un lien de cuir, le regard farouche, Ann, habillée en valet, subissait le courroux de son père sans broncher. Affalée dans un sofa, tremblante et défaite, Marie Brenan pleurait en silence.
    — Eh bien, mon cher William, avait finalement réagi Emma, la gorge nouée, quel est donc cet emportement qui ébranle votre maisonnée ?
    — On ne vous a pas appris à frapper ? lui avait sèchement répondu Cormac pour toute réponse.
    Emma n’avait pas relevé. Elle avait seulement refermé la porte pour isoler cette dispute du regard gourmand des valets.
    — Vous voici étrangement mise, avait-elle fait remarquer à Ann. Nous ne sommes pourtant pas en période de carnaval.
    Cette allusion suffit à ramener une bouffée de colère entre les lèvres serrées de Cormac.
    — Voilà bien le terme ! s’emporta-t-il de nouveau contre sa fille. Grotesque ! Le déguisement est non seulement grotesque mais indigne de ton rang !
    — Et si, au lieu de vociférer, William, vous lui laissiez une chance de s’expliquer, l’avait interrompu Emma, un sourire moqueur aux lèvres.
    — Comme s’il pouvait y avoir une explication à ces débordements, avait-il encore grondé.
    Emma s’était approchée d’Ann, retranchée dans un mutisme prudent mais néanmoins farouche.
    — Qu’avez-vous à dire pour votre défense, Ann ? avait-elle

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