La parfaite Lumiere
s’exclamer :
— Shishido Baiken, du mont
Suzuka !
— Tout juste. Mon frère Temma
t’appelle de la vallée infernale. Compte sur moi pour t’y expédier vite !
Musashi ne pouvait dégager son
sabre. Lentement, Baiken ramenait la chaîne et se rapprochait pour faire usage
de la faucille aussi tranchante qu’un rasoir. Tandis que Musashi cherchait un
moyen d’utiliser son sabre court, il se rendit compte avec un haut-le-corps que
s’il ne s’était battu qu’avec son long sabre, il eût été maintenant tout à fait
sans défense.
Baiken avait le cou si gonflé
qu’il était presque aussi gros que sa tête. Ahanant, il tira puissamment sur la
chaîne.
Musashi avait commis une faute, et
le savait. Le fléau était une arme peu courante, mais qu’il connaissait. Des
années auparavant, il avait été frappé d’admiration en voyant pour la première
fois cette machine infernale entre les mains de l’épouse de Baiken. Mais
l’avoir vue était une chose ; savoir s’en défendre en était une autre.
Baiken exultait ; un large
sourire mauvais se répandait sur son visage. Musashi savait qu’il n’avait qu’un
seul recours : lâcher son long sabre. Il guettait l’instant opportun.
Avec un hurlement féroce, Baiken
bondit, la faucille brandie vers la tête de Musashi, qu’il manqua d’un cheveu.
Musashi lâcha le sabre. A peine la faucille retirée, la boule arriva en
sifflant dans l’air. Puis la faucille, la boule, la faucille...
Eviter la faucille plaçait Musashi
en plein sur le trajet de la boule. Incapable de s’approcher assez pour
frapper, il se demandait avec affolement combien de temps il pourrait tenir.
« Est-ce la fin ? » se demanda-t-il.
Trop tard pour s’abriter derrière
un arbre. S’il s’y élançait maintenant, il risquait de tomber sur un autre
ennemi. Il entendit un cri aigu, plaintif, et songea :
« Iori ? » Dans son cœur, il considéra le jeune garçon comme
perdu.
— Meurs, coquin !
cria-t-on derrière Musashi, puis : Musashi, pourquoi traînez-vous ?
Je m’occupe de la vermine qui est derrière vous.
Musashi ne reconnut pas la voix
mais décida qu’il pouvait concentrer son attention sur le seul Baiken.
Pour ce dernier, le facteur le
plus important était sa distance par rapport à son adversaire ; sa propre
efficacité dépendait de la manipulation de la longueur de la chaîne. Si Musashi
pouvait reculer d’un pas au-delà de la portée de la chaîne, ou se rapprocher
d’un pas, Baiken serait en difficulté. Il fallait veiller à ce que Musashi ne
fît ni l’un ni l’autre.
Musashi s’émerveillait de la
technique secrète de cet homme, et, tandis qu’il s’émerveillait, une chose le
frappa soudain : là, se trouvait le principe des deux sabres. La boule fonctionnait
comme le sabre de droite ; la faucille, comme celui de gauche.
Il poussa un cri de
triomphe : « Bien sûr ! C’est ça... c’est le style Yaegaki. »
Désormais confiant en la victoire, il bondit en arrière, mettant cinq pas entre
eux deux. Il fit passer son sabre dans sa main droite, et le lança aussi droit
qu’une flèche.
Baiken ploya le corps ; le
sabre dévia et alla se planter au pied d’un arbre proche. Mais au cours du
mouvement de Baiken, la chaîne s’enroula autour de son torse. Avant qu’il pût
même pousser un cri, Musashi se jeta sur lui de tout son poids. Baiken porta la
main à la poignée de son sabre, mais Musashi, par un coup violent sur le
poignet, l’empêcha de la saisir. Du même mouvement, il tira l’arme, et fendit
Baiken en deux comme la foudre fend un arbre.
« Quel dommage ! »
se dit Musashi.
— Le coup karatake ! s’exclama une voix admirative. Jusqu’au bas du tronc. Comme on fend un bambou.
Je n’ai jamais vu ça de ma vie.
Musashi se retourna et dit :
— Comment, mais n’est-ce
pas... Gonnosuke de Kiso. Que faites-vous ici ?
— Voilà bien longtemps que
nous ne nous sommes vus, n’est-ce pas ? Le dieu de Mitsumine doit avoir
organisé cette rencontre, peut-être avec l’aide de ma mère, qui m’a tant appris
avant sa mort.
Ils se mirent à bavarder, mais
Musashi s’interrompit soudain pour crier :
— Iori !
— Il est sain et sauf. Je
l’ai tiré des pattes de ce cochon de prêtre, et l’ai fait grimper dans un
arbre.
Iori, qui les considérait d’une
haute branche, ouvrit la bouche pour parler mais, à la place, s’abrita les yeux
pour regarder vers un petit plateau,
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