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La parfaite Lumiere

La parfaite Lumiere

Titel: La parfaite Lumiere Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eiji Yoshikawa
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vue par un brouillard épais. Le grand
pic dormait encore ; seul, le clapotis de la rivière soulignait le
silence. Un groupe de silhouettes sombres se pressaient sur le pont de Kosaruzawa.
    — Tōji ? chuchota
Baiken d’une voix rauque.
    — Présent.
    — Attention de garder votre
mèche bien sèche.
    Au milieu de la troupe bigarrée,
se remarquaient les deux prêtres lanciers, les pans de leurs robes retroussés
pour le combat. Les autres portaient des tenues variées, mais tous étaient
chaussés de manière à pouvoir se déplacer avec agilité.
    — Tout le monde est là ?
    — Oui.
    — Combien en tout ?
    Ils comptèrent : treize.
    — Bon, dit Baiken.
    Il récapitula ses instructions.
Ils écoutaient en silence, acquiesçant parfois de la tête. Puis, sur un signal,
ils se dispersèrent dans le brouillard pour prendre position le long de la
route. A l’extrémité du pont, ils dépassèrent une borne indiquant :
« Sanctuaire intérieur, six kilomètres. »
    Quand le pont fut de nouveau libre,
une troupe nombreuse de singes sortit de sa cachette, sautant des branches,
grimpant aux lianes, pour converger sur la route. Ils couraient sur le pont,
rampaient dessous, jetaient des pierres dans le ravin. Le brouillard jouait
avec eux, comme s’il eût encouragé leurs ébats.
    L’aboiement d’un chien se
répercutait à travers les montagnes. Les singes disparurent, comme feuilles de
sumac au vent d’automne.
    Kuro montait la route, traînant Okō.
Il lui avait échappé, et bien qu’Okō eût fini par rattraper la laisse,
elle n’avait pu lui faire rebrousser chemin. Elle savait que Tōji ne
voulait pas que le chien fût là pour faire du bruit ; aussi crut-elle
pouvoir l’éloigner en le laissant monter au sanctuaire intérieur.
     
    Tandis que le brouillard
commençait à se déposer dans les vallées comme de la neige, les trois pics de
Mitsumine et les montagnes moins hautes, entre Musashino et Kai, se dressaient
dans toute leur majesté. La route sinueuse se dessinait en blanc ; les
oiseaux commençaient à se lisser les plumes et à saluer l’aube de leurs
gazouillis. Iori dit, à moitié pour lui-même :
    — Comment ça se fait, je me
le demande ?
    — Quoi donc ? dit
Musashi.
    — Le jour se lève, mais je ne
vois pas le soleil.
    — D’abord, tu regardes vers
l’ouest.
    — Ah !
    Iori jeta un rapide coup d’œil à
la lune en train de se coucher derrière les pics lointains.
    — Iori, il semble qu’un grand
nombre de tes amis habitent ces montagnes.
    — Où ça ?
    — Là-bas, répondit Musashi en
riant et en désignant des singes blottis autour de leur mère.
    — Je voudrais bien être l’un
d’eux.
    — Pourquoi ?
    — Du moins ils ont une mère.
    Ils gravirent en silence une
partie escarpée de la route, et parvinrent à un segment assez plat. Musashi
remarqua qu’un grand nombre de pieds avaient foulé l’herbe.
    Après avoir encore un moment
serpenté autour de la montagne, ils atteignirent un plateau face à l’est.
    — ... Regardez ! s’écria
Iori en regardant Musashi. Le soleil se lève.
    — C’est pourtant vrai.
    De l’océan de nuages, au-dessous
d’eux, les montagnes de Kai et de Kōzuke jaillissaient comme des îles.
Iori s’arrêta et se pétrifia, pieds joints, au garde-à-vous, lèvres serrées. Il
contemplait avec une fascination extasiée la grande sphère dorée en s’imaginant
être un enfant du soleil. Tout à coup, il s’exclama d’une voix très
forte :
    — C’est Amaterasu
Omikami ! N’est-ce pas ?
    Il regarda Musashi pour obtenir
confirmation.
    — Exact.
    Levant haut les bras au-dessus de
sa tête, le garçon fit passer la brillante lumière à travers ses doigts.
    — Mon sang ! cria-t-il.
Il est de la même couleur que le sang du soleil.
    Frappant dans ses mains comme il
eût fait dans un sanctuaire pour appeler la divinité, il inclina la tête en
hommage silencieux, et pensa : « Les singes ont une mère. Je n’en ai
pas. Mais j’ai cette déesse. Eux n’en ont pas. »
    Cette révélation le remplit de
joie, et comme il fondait en larmes, il lui sembla entendre, venue d’au-delà
des nuages, la musique des danses du sanctuaire. Ses pieds attrapèrent le
rythme ; ses bras se balançaient gracieusement. A ses lèvres montèrent les
paroles qu’il n’avait apprises que la veille au soir :
     
    « L’arc
de catalpa...
    A
chaque retour du printemps,
    J’espère
voir la danse
    Des
myriades

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