La parfaite Lumiere
par le pan de son kimono.
— Accouche !
— Mais... je... je ne sais
rien.
— Menteur ! dit
Jōtarō en resserrant son emprise. Quelqu’un t’a envoyé à ma
poursuite. Tu es un mouchard !
— Et toi... tu es un sale
voleur !
— Quoi ? vociféra
Jōtarō dont la face touchait presque celle d’Iori.
Ce dernier se courba presque
jusqu’au sol, et s’échappa.
Jōtarō hésita un
instant, puis partit à sa poursuite.
D’un côté, Iori apercevait des
toits de chaume, disséminés comme des nids de guêpes. Il courut à travers un
champ d’herbe rougeâtre, en écrasant du pied plusieurs taupinières poudreuses.
— Au secours ! Au
secours ! Au voleur ! criait Iori.
Le petit village où il entrait
était habité par des familles chargées de lutter contre les incendies de la
plaine. Iori entendait le marteau et l’enclume d’un forgeron. Des gens
s’élançaient d’étables obscures ou de maisons où séchaient des kakis suspendus.
En agitant les bras, Iori haletait :
— ... L’homme au foulard...
qui me poursuit... est un voleur. Capturez-le. Je vous en prie !...
Oh ! oh ! le voilà.
Les villageois ouvraient des yeux
ronds ; certains regardaient avec effroi les deux adolescents mais, à la
consternation d’Iori, ne faisaient pas un geste pour capturer Jōtarō.
— ... C’est un voleur !
Il a cambriolé le temple !
Il s’arrêta au milieu du village,
conscient du fait que ses seuls cris troublaient la paisible atmosphère. Puis
il reprit ses jambes à son cou, et trouva un endroit pour se cacher et reprendre
haleine.
Jōtarō ralentit
prudemment jusqu’à une allure pleine de dignité. Les villageois regardaient en
silence. Il n’avait certes l’air ni d’un voleur, ni d’un rōnin qui prépare
un mauvais coup ; en réalité, il ressemblait à un adolescent franc comme
l’or, incapable de faire du mal à une mouche.
Ecœuré de voir les villageois – des
adultes ! — refuser d’affronter un voleur, Iori décida de revenir en hâte
à Nakano, où du moins il pourrait exposer son affaire à des gens qu’il connaissait.
Il quitta la route et s’élança à
travers la plaine. Lorsqu’il aperçut le petit bois de cryptomerias derrière la
maison, il n’y avait plus qu’un kilomètre et demi à parcourir. Soulagé, il changea
de vitesse : du trot au galop.
Soudain, il vit qu’un homme aux
deux bras écartés lui barrait la route.
Il n’avait pas le temps de
s’expliquer comment Jōtarō l’avait devancé, mais il était maintenant
sur son propre terrain. Il sauta en arrière et tira son sabre.
— Gredin ! cria-t-il.
Jōtarō bondit en avant,
les mains nues, et saisit Iori au collet ; mais le jeune garçon se dégagea
et s’écarta de dix pas.
— Salaud ! marmonna
Jōtarō en sentant un sang chaud couler à son bras droit d’une
entaille de cinq centimètres.
Iori se mit en garde et se
concentra sur la leçon que Musashi lui avait serinée. Les yeux... les yeux...
les yeux... Sa force se concentrait dans ses pupilles brillantes ; tout
son être semblait canalisé dans une paire d’yeux étincelants. Jōtarō
détourna les siens et dégaina son propre sabre.
— ... Je vais te tuer,
gronda-t-il.
Iori, dont le coup qu’il avait
porté redoublait le courage, chargea ; son attaque était celle qu’il avait
toujours pratiquée contre Musashi.
Jōtarō réfléchissait. Il
n’avait pas cru Iori capable de se servir d’un sabre ; désormais, il mit
toutes ses forces dans le combat. Dans l’intérêt de ses camarades, il devait
écarter cet enfant indiscret. Paraissant ignorer l’assaut d’Iori, il s’avança
et frappa méchamment, mais en vain.
Après deux ou trois assauts, Iori
fit demi-tour, courut, s’arrêta et chargea de plus belle. Quand
Jōtarō para, il se retira de nouveau, encouragé de voir que sa
stratégie réussissait. Il attirait l’adversaire sur son propre territoire.
S’arrêtant pour reprendre haleine, Jōtarō embrassa du regard le bois
sombre et cria :
— ... Où donc es-tu, sale
petit imbécile ?
Une averse d’écorce et de feuilles
lui répondit. Jōtarō leva la tête et cria : « Je te
vois ! » bien qu’en réalité, à travers le feuillage, il ne vît que
deux étoiles. Jōtarō se mit à grimper vers le bruit de froissement
fait par Iori en s’avançant sur une grosse branche. A partir de là,
hélas ! il n’y avait nulle part où aller.
— ... Maintenant, je te
tiens. A
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