La parfaite Lumiere
sait pourquoi, Iori eut l’impression qu’ils étaient
père et fils. Ce qui faisait d’eux non de simples bandits mais des bandits héréditaires,
des hommes très dangereux qu’il ne parviendrait jamais à capturer seul.
Toutefois, s’il arrivait à les filer assez longtemps, il pourrait signaler aux
autorités l’endroit où ils se trouvaient.
La ville de Kawagoe dormait
profondément. Ayant dépassé des rangées de maisons obscures, les deux cavaliers
quittèrent la grand-route et se mirent à gravir une colline. En bas, une borne
indiquait : « Forêt de la Butte aux têtes enfouies — En
haut. »
Iori grimpa à travers les
buissons, le long du sentier, et parvint au sommet le premier. Il y avait là un
grand pin isolé auquel un cheval était attaché. Accroupis au pied de l’arbre,
trois hommes habillés comme des rōnins, bras croisés sur les genoux,
regardaient impatiemment en direction du sentier. A peine Iori s’était-il
blotti lui-même dans une cachette que l’un des hommes se leva et dit :
— C’est bien Daizō.
Tous trois s’élancèrent et
échangèrent des salutations joviales. Daizō et ses complices ne s’étaient
pas rencontrés depuis près de quatre ans. Rapidement, ils se mirent à
l’ouvrage. Sous la direction de Daizō, ils déplacèrent une énorme pierre
et entreprirent de creuser. La terre s’amoncela d’un côté, une grande quantité
d’or et d’argent de l’autre. Jōta déchargea les coffres des chevaux et en
déversa le contenu qui, ainsi que l’avait soupçonné Iori, représentait le
trésor manquant du sanctuaire de Mitsumine. S’ajoutant à la cachette
précédente, le butin total devait s’élever à des dizaines de milliers de ryos .
Les métaux précieux, déversés dans
des sacs de paille ordinaires, furent chargés sur trois chevaux. Les coffres
laqués vides, ainsi que d’autres objets qui avaient joué leur rôle, furent
jetés dans le trou. Une fois le sol bien égalisé, la pierre retrouva sa
position première.
— Ça devrait suffire, déclara
Daizō. C’est l’heure de la pipe.
Il s’assit au pied du pin et
sortit sa pipe. Les autres époussetèrent leurs vêtements et le rejoignirent.
Durant les quatre ans de son prétendu pèlerinage, Daizō avait parcouru
très à fond la plaine de Kantô. Il y avait peu de temples ou de sanctuaires
sans une plaque attestant sa générosité proverbiale. L’étrange, c’est que nul
n’eût songé à s’enquérir de l’origine de tout cet argent.
Daizō, Jōtarō et
les trois hommes de Kiso restèrent assis en cercle une heure environ, à
discuter de projets d’avenir. Qu’il fût maintenant risqué pour Daizō de
retourner à Edo ne faisait aucun doute, mais l’un d’eux devait s’y rendre. Il y
avait de l’or à récupérer dans l’entrepôt de Shibaura, et des documents à brûler.
De plus, il fallait faire quelque chose à propos d’Akemi.
Juste avant l’aube, Daizō et
les trois hommes commencèrent à descendre la grand-route de Kōshū
vers Kiso. Jōtarō, à pied, prit la direction opposée.
Les étoiles qu’Iori contemplait ne
donnaient aucune réponse à sa question : « Qui suivre ? »
Sous le ciel automnal d’un bleu
transparent, les puissants rayons du soleil d’après-midi semblaient pénétrer
dans la peau de Jōtarō. La tête pleine de l’idée du rôle qu’il allait
jouer dans l’époque à venir, il flânait à travers la plaine de Musashino comme
si elle lui avait appartenu.
Il jeta derrière lui un regard un
peu craintif et se dit : « Il est encore là. » Croyant que le
jeune garçon voulait peut-être lui parler, il s’était déjà arrêté deux fois
mais le garçon n’avait pas essayé de le rattraper.
Il résolut d’en avoir le cœur net,
choisit un buisson et s’y cacha.
Quand Iori atteignit le segment de
route où il avait pour la dernière fois vu Jōtarō, il se mit à jeter
autour de lui des regards anxieux. Brusquement, Jōtarō se dressa et
l’appela :
— Eh, là-bas, le nabot !
Iori tressaillit mais fut prompt à
se remettre. Sachant qu’il ne pouvait s’en tirer, il dépassa l’autre et lui
demanda nonchalamment :
— Qu’est-ce que tu
veux ?
— Tu me suis, n’est-ce
pas ?
— Mais non, répondit Iori en
secouant une tête innocente. Je vais à Jūnisō Nakano.
— Tu mens ! Tu me
suivais.
— Je ne sais pas ce que tu
veux dire.
Iori allait prendre la fuite,
quand Jōtarō le rattrapa
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