La parfaite Lumiere
minute.
Il griffonna un mot, et fit part à
Nuinosuke de son contenu :
« Sasaki Kojirō
effectuera la traversée de Funashima dans un bateau fourni par le seigneur
Tadatoshi. Il arrivera vers huit heures. Vous pouvez encore y parvenir à la
même heure. Je propose que vous veniez ici vous préparer. Je fournirai un
bateau pour vous conduire à votre glorieuse victoire. »
De la part de Sado, Nuinosuke et
Iori se procurèrent une embarcation rapide auprès du maître batelier du fief.
Ils gagnèrent Shimonoseki en un temps record, puis se rendirent droit à la
boutique de Tarōzaemon. En réponse à leur enquête, un employé
déclara :
— J’ignore les détails, mais
il semble bien qu’un jeune samouraï séjourne chez le maître.
— Voilà ! Nous l’avons
trouvé.
Nuinosuke et Iori s’adressèrent
l’un à l’autre un large sourire, et couvrirent rapidement la courte distance
qui séparait la boutique de la maison. Nuinosuke alla droit à Tarōzaemon
et lui dit :
— Il s’agit d’une affaire du
fief, et c’est urgent. Miyamoto Musashi séjourne-t-il ici ?
— Oui.
— Dieu soit loué ! Mon
maître en est malade d’inquiétude. Et maintenant, vite, dites à Musashi que je
suis là.
Tarōzaemon entra dans la
maison pour reparaître une minute plus tard en déclarant :
— Il est encore dans sa
chambre. Il dort.
— Il dort ? répéta
Nuinosuke, atterré.
— Il s’est couché tard hier
au soir, à bavarder avec moi en buvant du saké.
— Ce n’est pas le moment de
dormir. Réveillez-le. Tout de suite !
Le marchand, refusant de se
laisser commander, fit entrer Nuinosuke et Iori dans un salon avant d’aller
réveiller Musashi.
Quand ce dernier les rejoignit, il
paraissait bien reposé, le regard aussi clair que celui d’un bébé.
— Bonjour, dit-il avec bonne
humeur en s’asseyant. Que puis-je pour vous ?
Nuinosuke, décontenancé par la
désinvolture de cet accueil, lui tendit la lettre de Sado.
— ... Que c’est aimable à lui
de m’écrire ! dit Musashi en portant la lettre à son front avant d’en
rompre le cachet pour l’ouvrir.
Iori dévorait des yeux son maître,
qui se comportait comme s’il n’avait pas été là. Après avoir lu la lettre, il
la roula en déclarant :
— ... Je suis reconnaissant à
Sado de sa prévenance.
Ce n’est qu’à ce moment qu’il jeta
un coup d’œil à Iori ; le garçon baissa la tête afin de cacher ses larmes.
Musashi rédigea une réponse et la tendit à Nuinosuke.
— ... J’ai tout expliqué dans
ma lettre, dit-il, mais n’oubliez pas de transmettre mes remerciements et mes
meilleurs vœux.
Il ajouta qu’ils ne devaient pas
s’inquiéter. Il irait à Funashima quand il le jugerait bon. Comme ils ne
pouvaient rien faire d’autre, ils prirent congé. Iori n’avait pas dit un mot à
Musashi, ni Musashi à Iori. Néanmoins, tous deux s’étaient communiqué l’un à
l’autre la dévotion réciproque du maître et du disciple.
Tandis que Sado lisait la réponse
de Musashi, une expression de soulagement se répandait sur ses traits. La
lettre disait :
Je vous remercie
bien sincèrement de votre offre d’un bateau pour m’emmener à Funashima. Je ne
me juge pas digne d’un tel honneur. En outre, je ne crois pas devoir accepter.
Veuillez prendre en considération le fait que Kojirō et moi nous
affrontons en tant qu’adversaires, et qu’il utilise un bateau fourni par le
seigneur Tadatoshi. Si je devais emprunter votre bateau, vous auriez l’air de
vous opposer à Sa Seigneurie. Je ne crois pas que vous deviez faire quoi que ce
soit pour moi.
J’aurais dû vous
le dire plus tôt, mais je me suis tenu à l’écart car je savais que vous
insisteriez pour m’aider. Pour ne pas vous mettre en cause, je suis venu loger
chez Tarōzaemon. Je pourrai aussi me servir de l’un ses bateaux pour aller
à Funashima, à l’heure que je jugerai appropriée. De cela vous pouvez être
assuré.
Profondément impressionné, Sado
considéra un moment cet écrit en silence. C’était une bonne lettre, modeste,
prévenante, respectueuse, et maintenant, il avait honte de son agitation de la
veille.
— Nuinosuke...
— Monsieur ?
— Prends cette lettre ;
montre-la à Magobeinojō et ses camarades, ainsi qu’à tous les autres qui
sont concernés.
Nuinosuke venait de sortir
lorsqu’un serviteur entra et dit :
— Si vous en avez terminé
avec vos affaires, monsieur, vous
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