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La parfaite Lumiere

La parfaite Lumiere

Titel: La parfaite Lumiere Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eiji Yoshikawa
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l’endroit se trouvait proche du pont d’Itatsu. Musashi ne vit ni
maisons ni restaurants de samouraïs, rien que les lumières d’un débit de
boissons solitaire et d’une auberge bon marché, l’un et l’autre à quelque
distance. Toujours en alerte, il se mit à retourner dans son esprit des
hypothèses. L’histoire de ces hommes n’avait rien de suspect ; leur âge
paraissait convenir, et leur façon de parler concordait avec ce qu’ils
disaient. Mais pourquoi donc un endroit écarté comme celui-ci ? Kagashirō
laissa Musashi pour se diriger vers la berge. Puis il appela le jeune homme en
disant :
    — Ils sont tous là.
Descendez.
    Et il le précéda par l’étroit
sentier sur le quai. « Peut-être que la réunion a lieu dans un
bateau », se dit Musashi en souriant de son excès de prudence. Mais il n’y
avait pas de bateau. Il les trouva assis sur des nattes de roseau, en posture
de cérémonie.
    — Pardonnez-nous de vous
faire venir dans un pareil endroit, dit Magobeinojō. C’est ici que nous
tenons notre réunion. Nous estimons qu’une chance particulière vous amène parmi
nous. Asseyez-vous et reposez-vous un peu.
    Avec des manières aussi graves que
s’il accueillait un invité de marque dans un beau salon au shoji couvert
d’argent, il avança une natte à l’intention de Musashi. Ce dernier se demanda
s’il s’agissait de leur conception de l’élégance discrète ou s’ils avaient une
raison spéciale de ne pas se rencontrer dans un lieu plus public. Mais, invité,
il se sentait obligé de se conduire en invité. Il s’inclina et s’assit
cérémonieusement sur la natte.
    — ... Mettez-vous à l’aise,
dit Magobeinojō. Plus tard, nous aurons une petite fête, mais d’abord nous
devons célébrer notre cérémonie. Elle ne demandera pas longtemps.
    Les six hommes prirent une
attitude moins guindée ; chacun se munit d’une gerbe de paille qu’ils
avaient apportée, et ils entreprirent de tresser des semelles de paille pour
chevaux. Leurs lèvres serrées, leurs yeux ne quittant jamais leur ouvrage, ils
avaient un air de solennité presque pieuse. Musashi les considéra avec
respect : il devinait de la force et de la ferveur dans leurs mouvements
tandis qu’ils crachaient dans leurs mains, faisaient passer la paille à travers
leurs doigts, et la nattaient entre leurs paumes.
    — Je crois que ça ira, dit Handayū
en reposant une paire achevée de semelles et en promenant sur les autres un
regard circulaire.
    — J’ai terminé, moi aussi.
    Ils disposèrent leurs semelles de
chevaux devant Handayū, se brossèrent et rajustèrent leurs vêtements. Handayū
empila les patins de chevaux sur une petite table, au centre du cercle de
samouraïs, et Magobeinojō, l’aîné, se leva.
    — Douze ans se sont écoulés
depuis la bataille de Sekigahara, depuis ce jour de défaite qui jamais ne
s’effacera de nos mémoires, commença-t-il. Nous avons tous vécu plus longtemps
que nous n’étions en droit de l’espérer. Cela, nous le devons à la protection
généreuse du seigneur Hosokawa. Il faut veiller à ce que nos fils et
petits-fils se souviennent des bontés de Sa Seigneurie à notre égard.
    Des murmures d’assentiment firent
le tour du groupe. Ils étaient assis dans une attitude respectueuse, les yeux
baissés.
    — ... Nous devons aussi nous
rappeler à jamais les largesses des chefs successifs de la Maison de Shimmen,
bien que cette grande maison n’existe plus. Nous ne devons jamais oublier non
plus la misère et le désespoir qui étaient les nôtres à notre arrivée ici.
C’est pour nous remémorer ces trois faits que nous tenons cette réunion chaque
année. Et maintenant, prions ensemble pour le bien-être et la santé les uns des
autres.
    Les hommes répondirent en
chœur :
    — Les bontés du seigneur
Hosokawa, les largesses de la Maison de Shimmen, la générosité du Ciel qui nous
a délivrés de la détresse... nous ne les oublierons pas un seul jour.
    — Et maintenant, rendez
l’hommage, dit Magobeinojō.
    Ils se tournèrent vers les
murailles blanches du château de Kokura, qui se détachaient à peine sur le ciel
obscur, et se prosternèrent. Puis ils se tournèrent en direction de la province
de Mimasaka, et se prosternèrent une troisième fois. Ils accomplissaient chaque
mouvement avec un maximum de gravité et de sincérité. Magobeinojō dit à
Musashi :
    — ... Maintenant, nous allons
au sanctuaire, au-dessus d’ici,

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