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La passagère du France

La passagère du France

Titel: La passagère du France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernadette Pecassou-Camebrac
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étincelaient dans le ciel de New York, elle se sentait plus misérable encore. Dans la nuit claire, les étoiles brillaient puis disparaissaient, emportées par on ne sait quelles galaxies. Elle pensa à son père mort et à sa mère disparue, puis baissa les yeux vers la grande ville. Que d’êtres humains partout qui, comme elle, devaient espérer tant de choses. Qui comblerait tous ces espoirs ? Un dieu ? Il n’y suffirait pas. Le monde lui parut alors immense, rempli de gouffres trop grands. Elle vacilla contre le bastingage. Elle se sentait comme aspirée par un vertige face à cette immensité nouvelle de la terre d’Amérique. Et elle ne trouva qu’un être à appeler, qu’un nom à prononcer :
    — Andrei...
    Elle prononça son nom comme on dit une prière, comme on appelle au secours.
    — Andrei... Andrei... Andrei...
    Et elle le dit et le redit encore jusqu’à s’en étourdir, libérant en le prononçant des années de douleurs et de contraintes à refuser de voir, à refuser d’admettre.
    Car Chantal aimait Andrei depuis le premier jour. Dès l’instant où il était arrivé au Havre au retour du voyage du père en Russie, quand elle avait croisé son regard sombre. Quand elle avait vu sur sa joue d’enfant la large et fraîche cicatrice qui lui donnait l’air d’avoir trop vécu, alors qu’il était à l’aube de sa vie. Andrei portait tant de douleurs ! Pourquoi l’avait-elle rejeté ? Pourquoi l’avait-elle accablé ?
    Maintenant, seule dans cette nuit américaine, loin de la France, elle ne comprenait plus pourquoi elle avait été si dure.
    Des larmes affleurèrent à ses paupières et un coup de vent souleva ses cheveux. Un frisson la parcourut. Il lui sembla tout à coup qu’elle n’était plus seule. Elle regarda autour d’elle, tendit l’oreille. Rien, pas un bruit, pas une ombre. Juste la ville et le clapotement de l’eau contre les flancs du grand navire. Pourtant, instinctivement, elle sentait une présence. Ce fut soudain si fort qu’elle se retourna d’un seul coup. Un homme se tenait juste derrière elle. Il était si près qu’elle poussa un cri de terreur. Il était arrivé silencieusement comme un chat se glisse dans la nuit. Elle ne pouvait voir son visage dans la pénombre, et il avait un bagage à la main.
    Il s’avança et, quand il fut dans la lumière, elle reconnut l’officier Pierre Vercors.

 
    49
    Sous les lumières de la salle Chambord, les invités se pressaient pour gagner leur place. Aucun n’aurait voulu manquer ce moment. Seul, en son for intérieur, le commandant fulminait.
    — Où diable a pu passer Vercors ?
    — J’ai appelé partout, mon commandant, à la timonerie et aux cabines, je ne le trouve pas.
    — Bon, bon. Il a dû se passer quelque chose qui l’aura retardé. Ne dites rien et, s’il ne vient pas, mettez Monier à sa place, groupez les tables.
    Roger s’exécuta.
    Le commandant était contrarié. Il ne pouvait s’empêcher de ressentir de l’inquiétude à l’encontre de son officier. Où était-il donc allé se fourrer un soir pareil alors qu’il était attendu au dîner, en uniforme ? Le commandant jeta un regard circulaire. Tout l’état-major était là et les derniers invités arrivaient les uns après les autres. La délégation américaine avec la femme du Président ne devait plus tarder.
    Le commandant s’aperçut alors que le commissaire lui faisait un signe à la table voisine.
    — Diable ! Que se passe-t-il encore ? Le commissaire s’approcha discrètement.
    — On vient de m’avertir qu’un de nos hommes a quitté le navire.
    Les pires craintes du commandant se confirmaient.
    — Je m’en doutais ! dit-il.
    — Ah bon ? fit le commissaire, surpris. Vous le saviez ?
    — Non, je le pressentais. Mais... ajouta-t-il comme pour s’en convaincre, on s’est peut-être trompé, il va peut-être revenir.
    — Je ne crois pas, mon commandant. L’officier Vercors vient de me dire qu’on ne le reverra plus.
    — Vercors ? C’est lui qui vous a dit ça ! Mais quand ? Et pourquoi à vous ?
    Le commissaire ne comprenait pas ce qui choquait son commandant à ce point.
    — Il n’a pas voulu vous déranger en un moment pareil. Et puisque j’étais là...
    Il fallut quelques secondes au commandant pour comprendre que l’homme qui avait disparu n’était pas l’officier.
    — Mais alors, dit-il, ce n’est pas Vercors qui est parti ? Vercors est là ? Où est-il ?
    — À

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