La Perle de l'empereur
d’investigation de la police ! Et tant pis pour les pots cassés !
— Même si l’un de ces pots est Morosini ?
— Tâchez de savoir ce que vous voulez ! Il y a deux minutes vous pleuriez sa mort… De toute façon, si vous ne parlez pas, moi je parlerai. On y va ?
— On y va !
Une heure plus tard le taxi s’arrêtait devant les portes en fer du Quai des Orfèvres.
À l’évidence le commissaire Langlois ne s’était pas couché cette nuit-là. Une grisaille de barbe ombrait son visage toujours si bien rasé et son humeur était exécrable. Les deux compères en firent les frais.
— Et c’est maintenant que vous venez me dire ça ? tonna-t-il en s’adressant particulièrement à Adalbert. Vous espériez quoi en vous lançant dans vos investigations solitaires sans m’en parler ? Démontrer que vous êtes les plus forts ?
— Bien sûr que non, mais essayez de comprendre, commissaire ! Morosini et moi avons déjà couru ensemble tant d’aventures plus ou moins dangereuses que nous avons pris l’habitude de compter avant tout sur nous-mêmes. Dans certains cas, il peut être prématuré de mêler la police à des histoires…
— … beaucoup trop délicates pour sa cervelle obtuse ? Je sais que c’est en général l’opinion que l’on a de nous, mais avouez que, lorsque les principaux témoins restent aussi muets que des carpes, ou des coupables, il y a de quoi sortir de ses gonds ! Je me demande ce qui me retient de vous coffrer tous les deux pour dissimulation de faits majeurs.
— Peut-être la pensée que ça ne vous servirait pas à grand-chose de nous mettre sous les verrous. Surtout le colonel Karloff ! S’il se trouve mêle cette histoire, c’est parce que je loue ses services de son taxi.
— Hé là, doucement ! protesta celui-ci. C’est bien gentil à vous de me mettre hors de cause mais je revendique ma part ! Pour le tsar et pour l’honneur de la Russie ! ajouta-t-il d’une voix forte en faisant le geste de brandir un sabre comme s’il chargeait à la tête de son régiment.
— Qu’est-ce que le tsar vient faire là-dedans grogna Langlois.
— Où qu’il soit, il est toujours notre père et nous, ses enfants, devons être dignes de lui, fit le vieil homme avec une immense dignité. J’entends démontrer à ce pays qui nous donne asile que nous ne sommes pas tous des terroristes ou des mendiants ! Et moi j’ai le droit d’avoir d’autres aspirations que celles d’un simple chauffeur de taxi !
Le commissaire ne répondit pas. Quant à Adalbert, il eût volontiers applaudi mais la porte s’ouvrit sous la main d’un jeune inspecteur aux joues rouges et à la moustache tombante qui apportait avec lui l’air vif du matin et une mauvaise nouvelle : la descente de police effectuée boulevard Rochechouart pour appréhender M me Solovieff et l’homme qui la protégeait venait d’échouer lamentablement : en dépit de son pied foulé, la danseuse l’avait levé en compagnie de sa petite famille. La veille au soir, une grosse Renault noire était venue la prendre et tout le monde était parti sans oublier d’emporter les valises. D’après la concierge elle partait pour une tournée…
— Tournée ? Mon œil ! vociféra Langlois. Depuis quand va-t-on danser à cloche-pied ? On l’a mise à l’abri quelque part, oui !
— Et peut-être pas très loin ? avança Adalbert. Ce départ explique que la voiture soit rentrée plus tard que de coutume à Saint-Cloud. Sa Majesté a déménagé sa favorite. Reste à savoir où il l’a mise.
— Soyez sûr que nous nous y employons ! On va surveiller la maison de Rochechouart et celle de Saint-Cloud, rendre une petite visite à l’homme au coup de pied de cheval et tâcher de retrouver la voiture… si vous voulez bien nous confier son numéro. Car vous avez bien pensé à le relever, n’est-ce pas, messieurs ? fit le commissaire avec une douceur aussi suspecte qu’inattendue.
— Vous nous prenez vraiment pour des apprentis, ronchonna Karloff. Vous l’avez déjà puisque c’est la même voiture qu’on a suivie dans la nuit de Saint-Ouen, le prince Morosini et moi.
— J’aime qu’on me répète les choses ! Évidemment, si par hasard vous l’aviez oublié…
— Pas du tout !
Et Karloff donna le numéro de la Renault noire du ton dont il eût déclaré la guerre. Mais Adalbert avait encore quelque chose à dire :
— À propos de cette Marie Raspoutine, il
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