La Perle de l'empereur
bas des marches à demi assommé. Puis il y eut le claquement de la porte et le bruit d’un moteur mais, à cet instant, un second boulet de canon passa dans l’escalier, suivi du même bruit de porte claquée et du démarrage d’un second moteur…
Encore étourdi, Adalbert s’assit sur la dernière marche pour essayer de retrouver ses esprits. Il n’eut d’ailleurs guère de peine à reconstituer ce qui venait de se passer : Boris avait dû échapper au colonel qui à présent s’était lancé à sa poursuite sans plus s’occuper de lui. Il ne lui en fit aucun reproche : lui-même en aurait fait autant, mais maintenant il allait falloir rentrer à Paris par ses propres moyens. Heureusement la gare n’était pas loin…
Adalbert se releva, frictionna ses reins endoloris et se rendit à la cuisine pour boire un verre d’eau et voir s’il n’y aurait pas moyen de se faire une tasse de café : le premier train ne passerait sûrement pas avant deux bonnes heures.
Il trouva ce qu’il cherchait et mit de l’eau à chauffer sur le réchaud à gaz tandis qu’il actionnait le moulin à café coincé entre ses genoux, tout en s’efforçant de vider son cerveau afin de pouvoir y réintroduire des idées claires. Puis, tandis que le café passait en répandant une bonne odeur – on peut être un truand et aimer les produits de qualité ! – il passa une nouvelle inspection de la maison sans en apprendre davantage. Il venait juste de s’installer devant un bol fumant quand une voiture s’arrêta. Adalbert n’eut besoin que de tendre le cou pour voir qu’il s’agissait de son taxi et l’instant suivant le colonel Karloff débouchait dans la cuisine et se figeait devant le spectacle qu’il découvrait :
— Ne me dites pas que vous vous installez dans cette turne ?
— Je ne m’installe pas : j’attends l’heure du train parce que je pensais ne plus vous revoir. Vous en voulez ? ajouta-t-il en allant chercher un autre bol sans attendre la réponse. Si vous me disiez ce qui c’est passé ?
— Il s’est passé qu’on aurait dû ligoter ce type, maugréa Karloff en s’asseyant en face de lui. Et encore, je ne suis pas certain que cela aurait suffi : c’est une force de la nature ! Il a commencé par répondre à mes questions. De mauvaise grâce, mais enfin il répondait, quand soudain il s’est jeté sur moi. J’ai alors tiré et je l’ai blessé, car j’ai entendu un gémissement, mais il n’a eu aucune peine à m’aplatir. Vous savez la suite. À l’exception du fait que je lui ai couru après et qu’il m’a semé avant Versailles.
— Qu’avez-vous appris ?
— Pas grand-chose. Il s’est obstiné à répéter qu’il travaille au champ de courses, qu’il ignore tout de Napoléon – même le premier du nom – et que le copain avec qui il vit est en ce moment à l’hôpital pour avoir pris un coup de pied de cheval. Et vous à part le café, vous avez trouvé quelque chose ?
— Encore moins que vous ! Sauf si Morosini est enterré dans ce bout de jardin, il n’y a ici aucun endroit pour le cacher. On aurait pu s’en douter d’ailleurs. S’il est prisonnier il doit être bien gardé… Seigneur ! C’est à devenir fou ! Il y a des moments où je commence à croire qu’on me l’a tué ! fit-il d’une voix soudain enrouée en écrasant ses yeux sous ses poings.
Karloff laissa passer l’instant d’émotion en se contentant de reverser un peu de café dans le bol vide de son compagnon ; il y ajouta une giclée de calvados sortie d’une fiasque d’argent qu’il gardait toujours sur lui et qui devait être une précieuse relique de son ancienne splendeur. Puis s’en adjugea une lampée avant d’émettre :
— Ça ne sert à rien ni à personne de se démoraliser ! Ce qu’il faut, c’est agir… Jusqu’au bout. Même si au bout il y a le pire ! Alors écoutez-moi !
Libérant ses yeux rougis, Adalbert avala le breuvage avec un plaisir qui ramena une petite étincelle dans ses prunelles.
— Allez-y ! J’écoute.
— Si vous voulez m’en croire, on a assez joué aux petits soldats tous les deux. Il faut dire ce qu’on sait à la police et cesser de protéger cette Marie Raspoutine parce que je crois sincèrement qu’elle se moque du monde : elle est bel et bien la complice d’un assassin sans scrupules et pas la pauvre victime qu’on voudrait nous faire croire… Ce qu’il faut, à présent, ce sont les moyens
Weitere Kostenlose Bücher