La Perle de l'empereur
éclater de rire son compagnon :
— Prises de guerre, mon cher ! Prises de guerre ! Chacun pour soi dans ces cas-là ! Voilà ma devise, déclara l’ancien colonel de cosaques dont le rire homérique avait quelque chose de chevalin.
Il l’accompagna d’un coup de coude dans les côtes de son voisin qui ne put éviter de faire chorus :
— J’en ai fait bien d’autres moi qui vous parle... Ah ! Nous sommes arrivés.
Karloff arrêta son taxi peu avant une maison en pierre meulière entourée d’un jardinet. La Renault stationnait devant l’entrée et l’une des deux fenêtres de l’étage était éclairée.
— Qu’est-ce qu’on fait ? demanda Karloff.
— On entre, bien sûr ! fit Adalbert en faisant jouer la clenche fermant la barrière dont s’entourait la modeste propriété, après quoi on gravit les trois marches d’un petit perron.
— Qu’est-ce qu’on fait de la porte ? On la défonce ? proposa Karloff.
— Vous avez envie d’y laisser une épaule ? C’est solide, ces petites choses-là…
Et sous l’œil intéressé du colonel, Adalbert tira de sa poche un outil qu’il introduisit dans la serrure. Après quelques tâtonnements celle-ci s’ouvrit sans faire le moindre bruit :
— Où avez-vous appris ça ?
— Quand j’étais gamin, j’avais la passion de la serrurerie, expliqua Adalbert sans s’étendre davantage sur le sujet.
Ce dont le colonel eut le bon goût de se contenter.
Éclairés par la lampe de poche de l’archéologue ils se trouvèrent dans un étroit couloir carrelé au fond duquel partait un escalier en bois mal entretenu et dépourvu de tapis. Le monter sans le faire craquer demanda une infinité de précautions ; enfin on parvint au palier nanti de trois portes. Il n’y avait de la lumière que sous l’une d’entre elles. Adalbert posa des doigts légers sur le bouton et tourna, découvrant une chambre en désordre dans laquelle un homme en manches de chemise s’étirait en bâillant largement, mais le bâillement s’étrangla dans sa gorge quand il vit devant lui deux hommes dont l’un, armé d’un gros pistolet, portait la longue blouse grise et la casquette à visière vernie des chauffeurs de taxi et l’autre, habillé plutôt élégamment, tenait d’une main une lampe électrique et de l’autre un browning. Mais cet appareil n’eut pas l’air de l’émouvoir outre mesure. D’abord parce qu’il était un colosse, certainement sûr de sa force, ensuite parce que ce n’était sans doute pas la première fois qu’il se trouvait dans ce genre de situation :
— Qu’est-ce que vous voulez ? grogna-t-il en laissant lentement retomber ses bras levés.
— Que tu laisses tes mains là où elles sont pour commencer ! fit Karloff qui, à la surprise de son compagnon, poursuivit en russe et reçut une réponse dans cette langue.
— Qu’est-ce qui vous prend de parler russe ? protesta Adalbert.
— Parce que c’en est un. Je peux même vous dire qu’il vient de l’Oural. J’ai reconnu l’accent… Mais ce n’est pas étonnant puisque ce Napoléon de pacotille est russe lui aussi. Celui-là s’appelle Boris Karaghian, travaille au champ de courses et ne comprend pas ce qu’on lui veut.
— C’est simple : pourtant rien que l’adresse de ton patron, mon gros ! Moyennant quoi on ne te fera aucun mal, poursuivit Adalbert en agitant son arme sous le nez de l’homme. Qui se mit à rire à gorge déployée avant de libérer un nouveau flot de paroles dans la langue de Pouchkine.
— Restez avec lui ! dit Adalbert. Moi je vais visiter la maison. Cela me donnera peut-être une idée de l’endroit où se trouve Morosini. Il ne doit pas y avoir beaucoup de cachettes dans une petite baraque comme ça.
— Allez-y ! Nous, on va continuer à causer…
Quand il s’agissait d’inventorier un lieu quelconque, Vidal-Pellicorne en aurait remontré à un policier. Il fouilla d’abord la chambre voisine où quelqu’un devait habiter, puis le cabinet de toilette, descendit au rez-de-chaussée où une assez grande pièce et une cuisine tenaient toute la surface, descendit à la cave, n’y trouva que des bouteilles de bière, vides ou pleines, ressortit, fit le tour de maison, puis remonta avec un soupir en espérant que le colonel aurait obtenu un meilleur résultat… Un coup de feu alors éclata, aussitôt suivi par la ruée dans l’escalier d’une sorte de rouleau compresseur qui envoya Adalbert au
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