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La Perle de l'empereur

La Perle de l'empereur

Titel: La Perle de l'empereur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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appartenir au régent comme le grand diamant du Louvre ?
    — Nitot, qui l’a vendue à Napoléon, en a peut-être su quelque chose mais Nitot est mort depuis longtemps…
    — Mais un homme de cette importance laisse des archives…
    Morosini se leva, reprit la perle et la fourra dans sa poche :
    — Adalbert, tu m’agaces ! Tu auras beau dire ce que tu voudras, je n’en veux pas. Trouve-moi plutôt l’adresse de Youssoupoff !
     
    Les Youssoupoff habitaient 27, rue Gutenberg une assez belle demeure composée d’un corps principal et de deux pavillons dont l’un donnait sur une cour et l’autre sur le jardin. La fantaisie du prince, sa passion pour le spectacle, avaient d’ailleurs transformé en théâtre l’un de ces pavillons. Aldo s’y rendit vers quatre heures en pensant que c’était une heure convenable pour qui ne s’était pas annoncé. Il eût été sans doute plus dans sa manière de demander un rendez-vous par téléphone mais, les circonstances étant ce qu’elles étaient, il préférait agir avec le maximum de discrétion.
    Priant le taxi qui l’avait amené de l’attendre, il franchit la grille ouverte, grimpa les marches du perron et alla sonner à la porte. Elle lui fut ouverte par un grand diable drapé dans une longue tunique dont la blancheur faisait ressortir l’une des peaux les plus noires que l’on puisse trouver en Afrique. L’apparition s’inclina légèrement devant l’élégant visiteur et, sans lui laisser le temps d’ouvrir la bouche, déclara :
    — Moi, je suis Tesphé, le serviteur du Maître. Que veux-tu de lui, ô étranger ?
    — Un moment d’entretien. Veux-tu lui porter ceci ? répondit Morosini en donnant une carte de visite sur laquelle il avait écrit quelques mots.
    Le grand Noir la prit avec un nouveau salut, disparut et ne revint pas. À sa place apparut un jeune homme blond dont le nez chaussé de lunettes annonçait un secrétaire. Ce qu’il était, en effet. Il se nommait Keteley et s’enquit avec courtoisie de la raison d’une visite tellement inattendue.
    — Je désire entretenir le prince d’une affaire importante pour laquelle j’ai besoin de sa présence. Une affaire un peu… délicate. C’est la raison pour laquelle je ne me suis pas fait annoncer.
    — Vous ne pouvez rien m’en dire ?
    Aldo n’était patient que lorsqu’il pensait que cela en valait la peine. Il n’aurait jamais imaginé que le neveu par alliance du défunt tsar fût si difficile à atteindre.
    — Non. C’est le prince ou personne ! Sans doute ne me connaissez-vous pas sinon vous sauriez que je ne me dérange que pour des affaires importantes…
    — C’est que… le prince est souffrant !
    — J’en suis navré. Lorsqu’il ira mieux, voulez-vous le prier de m’appeler à ce numéro…
    Il reprenait la carte pour y inscrire quelques chiffres quand un éclat de rire se fit entendre tandis que la porte se rouvrait pour livrer passage à l’un des êtres les plus beaux qu’il eût jamais été donné à Morosini d’approcher, encore que d’un style peu courant : une beauté d’archange qui s’habillerait à Londres. Des traits d’une telle finesse qu’ils donnaient à ce pur visage, éclairé par un fascinant regard bleu-vert, quelque chose de féminin dont d’ailleurs Félix Youssoupoff aimait à jouer quand, tout jeune homme, il contribuait activement aux nuits blanches de Saint-Pétersbourg en courant les lieux de plaisir sous des falbalas qu’il empruntait à sa mère. Jeux de prince alors à la tête d’une incroyable fortune – la plus importante de Russie sans doute ! – qui lui permettait tous les caprices mais auxquels le mariage avec la princesse Irina, nièce de Nicolas II, mit fin définitivement. Sans pour autant renoncer à exercer pour son plaisir ses multiples talents, artiste dans l’âme, le prince Félix, épris de littérature et de musique savait danser, chanter en s’accompagnant d’une balalaïka, jouer la comédie et diriger une maison de couture mieux que bien des professionnels. Et sa voix était superbe quand il s’écria :
    — Pardonnez, je vous en supplie, à mes fidèles gardiens de montrer un peu trop de zèle ! Ils voient des ennemis partout… Mais venez ! Venez avec moi ! Nous allons faire plus ample connaissance car, bien entendu, je sais qui vous êtes !
    Impossible de résister à une si entraînante bonne grâce, de ne pas saisir la main spontanément offerte. Félix

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