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La Perle de l'empereur

La Perle de l'empereur

Titel: La Perle de l'empereur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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Youssoupoff guida son visiteur à travers une suite de pièces, dont les tonalités de décor étaient le bleu et le vert, jusqu’à un salon qui devait servir de cabinet de travail : depuis des rouleaux de soieries destinés à la maison de couture Irfé (Irina et Félix) jusqu’à une guitare en passant par des cahiers de papier sous un stylo abandonné parlant d’un livre en cours et, sur une planche à dessin, des croquis de costumes pour le théâtre, on y voyait un échantillon de toutes les activités du prince. Au mur, le portrait superbe d’une jeune femme qui devait l’être plus encore. Quant à l’ameublement il était résolument anglais.
    — J’ai à présent scrupule à vous déranger, commença Morosini. Votre secrétaire m’a dit que vous étiez souffrant.
    — Des moules, mon cher ! J’ai mangé des moules qui ne m’ont pas accepté mais comme vous le voyez cela va déjà beaucoup mieux. En outre je brûle de curiosité d’apprendre ce qui amène chez moi quelqu’un d’aussi connu… et d’aussi peu russe que vous. Souhaiteriez-vous m’acheter des bijoux ? Je n’en ai plus guère, vous savez. Mais prenez place, je vous en prie !
    Aldo s’installa dans un fauteuil chippendale en prenant grand soin du pli de son pantalon.
    — C’est tout le contraire, prince ! Je viens vous en apporter…
    — Mon Dieu ! Qui a pu vous laisser croire que j’étais en mesure d’acheter quoi que ce soit ? Je suis pauvre comme Job !
    — Il ne s’agit pas non plus d’acheter.
    Tirant de sa poche le mouchoir de soie dont il avait enveloppé la « Régente », il le déplia, et posa le tout devant lui sur une pile de dossiers.
    — Ceci est à vous, n’est-ce pas ? Je viens seulement vous restituer votre bien.
    Les yeux du Russe s’arrondirent, ce qui changea complètement sa physionomie. Il se pencha sur le joyau pour le mieux voir mais ne le prit pas. Il avait même noué ses mains derrière son dos comme s’il craignait d’y être entraîné et, quand son regard se releva sur Morosini, il n’y avait plus de trace de gaieté dedans. Simplement une interrogation un peu méfiante :
    — Où l’avez-vous trouvé ? se borna-t-il à demander.
    — C’est une assez longue histoire, dit Aldo un peu surpris d’un accueil si morne. C’est aussi un drame…
    — Cela ne m’étonne pas. J’aimerais cependant entendre cette histoire… si vous en avez le temps ?
    — Je suis à votre disposition.
    — Alors nous allons prendre le thé ! Mais refermez d’abord ceci !
    De plus en plus surpris, Aldo rabattit sur la perle les coins de soie blanche tandis que son hôte frappait dans ses mains, ce qui fit apparaître presque aussitôt le gigantesque Tesphé poussant une table roulante sur laquelle s’épanouissait un samovar au milieu d’un assortiment de petits sandwichs, de scones et de pâtisseries sèches, réalisant ainsi une sorte d’union anglo-russe.
    — On ne sert plus jamais chez moi de gâteaux à la crème, fit Youssoupoff avec un aimable sourire. L’image que la presse fait de moi de ce côté de l’Europe et en Amérique m’oblige à une précaution qui pourrait être jugée indispensable…
    Les journaux, en effet, rataient rarement l’occasion lorsqu’il était question de Félix Youssoupoff d’épingler à son nom le corollaire à sensation : l’assassin de Raspoutine ! Et tout le monde savait qu’au cours de la nuit tragique de la Moïka, le prince avait tout d’abord offert au gourou de la tsarine les gâteaux à la crème rose, qu’il affectionnait particulièrement, après qu’ils eussent été copieusement garnis de strychnine par la seringue du Dr Lazovertz. Le tout arrosé de madère au cyanure. Qui d’ailleurs n’avait aucunement incommodé un être en qui le diable semblait avoir concentré sa puissance. Ainsi lestée la victime avait réussi à s’enfuir, poursuivie par Félix et son cousin le grand-duc Dimitri, qui l’avaient abattue à coups de revolver. Encore, lorsque le « cadavre » fut jeté dans les glaces de la Neva, n’était-on pas sûr qu’il en fût vraiment un. Rien d’étonnant donc que les gâteaux à la crème eussent disparu de la table du prince…
    — Personnellement je n’aurais rien contre, fit Aldo en prenant la tasse qu’on lui offrait et en picorant un sandwich au concombre.
    Une vraie pénitence pour lui qui n’aimait ni le thé ni les concombres ! Une tasse de café eût beaucoup mieux fait

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