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La Pierre angulaire

La Pierre angulaire

Titel: La Pierre angulaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Zoé Oldenbourg
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Foulque, je ne veux ni de vous ni de votre argent ! Voilà assez longtemps que je vous supporte. Quel profit ai-je de vous ? Voilà neuf ans que je vis avec vous, et vous n’avez même pas pu me donner un enfant. »
    À ces mots, Marie devint très pâle, et faillit se trouver mal. Foulque se radoucit. « Allons, dit-il, ce n’est pas de votre faute. Mais sachez qu’il faut mettre fin à cette aventure, car elle pourrait mal tourner. »
    Au manoir de Pouilli, Haguenier fut bien surpris de rencontrer Pierre, son demi-frère, que pourtant Aielot détestait. Je ne savais où vous chercher, dit Pierre, père a des ennuis, et voudrait vous avoir près de lui.
    — Je ne vois pas en quoi je peux l’aider, dit Haguenier, maussade. Il ne me demande jamais mon avis pour ses affaires. »
    Pierre lui raconta ce qui s’était passé. Il y avait eu une visite du curé à Bernon, au sujet d’Églantine, et puis la dame Aalais s’était fâchée avec Herbert et l’avait même maudit, et il en était inquiet et se voyait menacé de toutes sortes d’ennuis.
    « Il veut partir en pèlerinage pour Notre-Dame du Puy, dit Pierre, et veut que vous teniez sa place en son absence. Il pense que vous vous en tirerez mieux que lui, si jamais il y a des ennuis avec les gens d’Église.
    — Eh bien, il attendra, dit Haguenier. J’ai des comptes à régler avec un châtelain d’ici. Voilà assez longtemps que père me fait comprendre que ses affaires ne sont pas les miennes. Il se trouve que moi aussi j’ai à penser à d’autres choses qu’à ses ennuis.
    — Vous savez, dit Pierre, il vous en voudra. Il a l’air de craindre que la foudre ne tombe sur sa tête s’il ne part pas avant la fin de la semaine.
    — Il n’y a guère de danger, dit Haguenier, avec la sécheresse qu’il fait. Gageons qu’il n’y aura pas d’orage avant quinze jours. »
    Pierre trouva le propos peu révérencieux. Il n’avait encore jamais vu son frère si excédé ni d’aussi mauvaise humeur ; le ton calme et mesuré de sa voix n’arrivait pas à donner le change. « Si vous avez une querelle, dit-il, comptez sur moi, je me battrai avec vous s’il faut vous seconder.
    — Un homme m’a demandé aujourd’hui si, en cas de guerre, je me chercherais un remplaçant. C’est une insulte pour notre famille, n’est-ce pas ? » Pierre pencha la tête de côté et réfléchit un peu.
    « On sait que vous avez le cœur faible, dit-il, mais même si l’homme ne pensait pas à mal, il a parlé bien étourdiment. Il vaut mieux tirer l’affaire au net.
    — Je vous remercie. Nous verrons cela ensemble bientôt. » Et les deux frères rentrèrent à Troyes, chez Gillebert de Beaufort, où Haguenier avait laissé son armure et ses chevaux. Et le soir après vêpres, ils restèrent à la cathédrale pour se confesser. L’homme qui entendit leur confession était le jeune prêtre qui avait parlé avec Haguenier quinze jours auparavant. Haguenier se rappela ses mots : « Dieu vous enverra un signe », et se demanda si ce signe était la mort d’Ernaut, ou s’il lui fallait en attendre un autre. Et comme il n’avait pas la force de renoncer à ses mauvaises pensées et à sa haine, il ne put recevoir l’absolution, et rentra chez lui dans un état de tristesse toujours croissante. Le soleil était rouge au coucher, et les toits et les pignons de Troyes et les tourelles du mur d’enceinte étaient couleur de cuivre et de rouille. Il faisait lourd, l’air était empesté par l’odeur qui montait des rues et des cours.
    Le matin, Haguenier assista à l’office de sexte, et partit avant la seconde messe. Dans la foule, à la porte de la cathédrale, il fut accosté par Guillemine. « Venez avec moi jusqu’à la boutique d’Audefroi, le drapier », dit-elle. « Ô Sainte Marie, se dit Haguenier, me voilà délivré, je vais la voir et lui parler. » Ses inquiétudes se dissipaient, il sentait que la vue de Marie, seule et libre de lui parler, allait le guérir. Comment, il n’en savait rien.
    Il trouva Marie assise dans un coin de la boutique en train d’examiner une pièce de drap rouge. « Je veux commander un manteau à mon mari pour sa fête, dit-elle au drapier, et ce chevalier, qui est mon ami, me donnera quelques conseils sur la façon, car je ne m’y connais guère en habits d’homme.
    — J’aurais aimé lui offrir moi-même un habit rouge, mais non de drap », dit Haguenier à voix basse. Marie le regarda

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