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La Pierre angulaire

La Pierre angulaire

Titel: La Pierre angulaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Zoé Oldenbourg
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l’écharpe pourpre, et lui promit de le mettre à l’épreuve. Si elle le trouvait digne, elle songerait peut-être à lui accorder son amitié, chaste et pure, bien entendu.
LE DIABLE AU CŒUR
    Toute la noblesse du pays devait se réunir à Hervi-le-Château pour fêter l’adoubement du fils d’Herbert le Gros. Après sa prise d’armes et le tournoi toute la parenté était de nouveau sur la route, par cortèges, par groupes séparés, à cheval, en litières, à dos de mulet, avec bagages, chiens et faucons, faisant route avec d’autres voisins qui rentraient. aussi du tournoi. Herbert faisait inviter tous ceux qu’il rencontrait, il lui suffisait d’avoir vu un homme deux fois ou de connaître ses parents, le château de Hervi était grand, et d’ailleurs il y avait aussi de la place à Linnières, la dame Aelis en faisait les honneurs aidée du cousin Joceran. Joceran était un homme utile à toutes les noces, festins et enterrements, il ordonnait les repas et n’oubliait jamais le rang ni l’âge des convives, on pouvait compter sur lui pour apaiser les querelles par un bon mot ou une coupe de bon vin.
    À Hervi, Herbert avait fait repeindre à neuf tous les écus, et il en avait, Dieu le sait ! et des armes ; il en avait rapporté de sa deuxième croisade, et il avait fait suspendre sur les murs tout le magasin d’armes du vieux Haguenier, feu son beau-père. Des tapis de laine rayée étaient tendus sur les murs, et la moitié des tables avaient des nappes blanches. On avait emprunté de la vaisselle de bois poli à tous les voisins à trois lieues à la ronde. Et il n’y avait paysan dans le pays, à qui l’on n’ait pris une poule ou un agneau ou un veau ou une douzaine d’œufs.
    Et les gens des villages sortaient sur la route pour voir passer le beau jeune homme, paré comme pour une noce, entouré de ses demi-frères et cousins, monté sur son beau cheval persan qui dansait et s’ébrouait, fier de son harnachement et de son cavalier.
    La litière d’Herbert s’était arrêtée à Bercenay devant le château, il fallait changer de chevaux. Herbert emmenait avec lui son beau-frère de Buchie, et Barthélémi de Chapes, le futur beau-père d’Haguenier, trop vieux tous deux pour faire un aussi long voyage à cheval. La litière était parquée dans le pré devant la porte cochère et les trois hommes et l’inévitable Ortrud étaient descendus pour se dégourdir les jambes. Leurs valets avaient couru au château, profitant de la halte pour boire un coup dans la cour, parée et pleine d’une foule joyeuse ; toute la valetaille s’y était rassemblée guettant le passage du maître ; des gars et des filles du village y étaient montés aussi, pour apporter des dons à l’intendant à l’occasion de la chevalerie du jeune maître, et l’intendant avait fait monter de la cave un petit tonneau de vin et des paquets de fruits secs comme c’était coutume de le faire dans la semaine des Blanches Nappes.
    Dans la cour parmi des monceaux de branches de saule et d’orme fraîchement coupées, les filles du château tressaient d’énormes couronnes, des treillis et de petites tentes, car le soir il devait y avoir de grandes danses et des jeux en l’honneur de la venue du printemps. Églantine y était aussi, les cheveux défaits comme une demoiselle, la tête parée de jonquilles, et elle chantait à pleine voix en ornant de fleurs d’églantier et d’aubépines un mannequin de branches qui devait figurer, à la fête, sainte Odile, la patronne du château. Elle faisait semblant de prendre son « mariage » pour une plaisanterie et gardait la tête haute.
    Quand elle sut que le maître était à la porte du château, elle se cacha derrière son mannequin pour n’être pas reconnue des valets de Linnières ; elle se demandait si Herbert penserait à elle, et s’il lui permettrait enfin de retourner à Bernon ; si seulement il avait l’idée de rentrer dans la cour, s’il la voyait.
    Devant la porte cochère, un garçon jeune, trapu, court sur pattes, bataillait avec les valets d’Herbert. Il criait : « Je veux parler au maître ! Laissez-moi, il faut que je parle au maître !
    — Tu es fou, Macaire, tu vois bien qu’il est avec deux riches seigneurs, ses parents. » Mais l’homme réussit à repousser les valets et courut droit sur Herbert, qui était en train de tendre une coupe de vin au vieux Garnier de Buchie. Le garçon s’était précipité sur le maître

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