La pique du jour
du Chêne Rogneux, tant
pour la mieux ménager que pour veiller à l’établissement de mes enfants,
conforter mon Angelina, que la venue de l’âge terrifiait et, s’il se peut,
désengourdir mon bien-aimé Samson de son conjugal assoupissement.
J’ai conçu aussi le ferme propos de me rendre au moins une
fois l’an dans le Périgord et de passer le juin et le juillet dans mes
« douces retraites paternelles ». En février 1599, alors que ces
messieurs de robe rouge, la mort dans l’âme, vérifiaient l’Édit, le baron de
Mespech entrait dans sa robuste quatre-vingt-cinquième année. Je ne sais qui
j’en dois remercier – Dieu ou le Diable – pour la raison qu’il me
répète à chaque fois que je le vois que, s’il est demeuré vert et gaillard, il
le doit autant à la pratique assidue des garces qu’à de saines exercitations.
Encore qu’il ait pâti prou de sa mort, il parle peu de ma mère, mais beaucoup
de Sauveterre, à qui il lui arrive de s’adresser comme si son vieux compagnon
marchait encore à ses côtés, claudicant et récriminant. Au curé de Marcuays,
qui osait lui demander si, l’âge venant, il deviendrait un jour, comme le veut
le proverbe, « plus sage et plus triste », il répondit qu’il serait
bien fol de devenir sage si, en chemin, il devait perdre sa gaîté.
Comme il faut, dans l’existence d’un homme, un grand projet
qui lui puisse occuper l’esprit et lui donner chaque jour que Dieu fait une
fraîche raison de vivre, j’ai conçu à Rome, pressentant la proche terminaison
des malheurs de la France, l’idée d’écrire les Mémoires que voilà. Et ce
quatrième jour du mois de mai 1610, sur le coup de midi, je les achève, l’Édit
de Nantes et la paix retrouvée se présentant à moi comme les bornes naturelles
de mon entreprise. Mes jours étant devenus depuis l’Édit si vides d’aventures
et, partant, des traverses où elles m’ont entraîné, il me paraît peu probable
que je requière Franz derechef de m’apporter mon écritoire sur les huit heures
du matin, comme j’ai fait quotidiennement ces quinze ans écoulés.
FIN
GLOSSAIRE
DES MOTS ANCIENS OU OCCITANS
UTILISÉS DANS CE ROMAN
A
acagnarder (s’) : paresser.
acaprissat (oc) : têtu (chèvre).
accoiser (s’) : se taire (voir coi).
accommoder : mal traiter, ou bien traiter, selon le contexte.
accommoder
à (s’) : s’entendre avec.
affiquet : parure.
affronter : tenir tête, braver.
agrader (oc) : faire plaisir.
aigremoine : plante de la famille des rosacées, que l’on rencontre à l’orée des bois, et
qui était utilisée pour guérir l’ulcère de la cornée.
alberguière : aubergiste.
algarde : attaque, mauvais tour.
alloure (oc) : allure.
alpargate (oc) : espadrille.
amalir (s’) (oc) : faire le méchant.
amour (une) : amour. Féminin au XVI e siècle.
anusim (les) (hébr.) : les convertis de force.
apaqueter : mettre en paquet.
apazimer (oc) : apaiser.
aposthume : abcès.
apparesser (s’) : paresser.
appéter : désirer.
appétit (à) : désir, besoin de (ex. appétit à vomir).
arder : brûler de ses rayons (le soleil).
aspé (e) : renforcé (en parlant d’une porte).
assouager : calmer.
à’steure,
à’steure : tantôt… tantôt.
atendrézi (oc) : attendri.
attentement (de meurtrerie) : tentative (de meurtre).
aucuns (d’) : certains.
avette : abeille.
aviat (oc) : vite.
B
bachelette : jeune fille.
bagasse (oc) : putain.
bagues : bagages (vies et bagues sauves).
se
bander : s’unir (en parlant des ouvriers) contre les patrons. Voir trie.
banque
rompue : banqueroute.
baragouiner : parler d’une façon barbare et incorrecte. Selon Littré et Hatzfeld, le mot
daterait de la Révolution française, les prisonniers bretons de la chouannerie
réclamant sans cesse du pain, bara, et du vin, gwin. Je suis bien
confus d’avoir à apporter le démenti à d’aussi savants linguistes, mais le mot
baragouin est antérieur à la Révolution, et se rencontre dans de
nombreux textes du XVI e siècle (Montaigne : « Ce
livre est bâti d’un espagnol baragouiné »). barguigner : trafiquer,
marchander (qui a survécu dans l’anglais bargain). Barguin ou bargouin : marché.
bas de
poil : couard.
bastidou (oc) : petit manoir.
batellerie : imposture, charlatanerie.
bec jaune : jeunet (par comparaison avec un jeune oiseau, dont le bec est encore
jaune). Plus
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