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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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stentor M. de Vie, qui était aussi paonnant que Tronson,
mais, au rebours du menuisier, la vaillance même au combat. Différence qui, en
mon opinion, ne tenait qu’à l’entretainement qu’il avait subi dès l’enfance,
ayant été élevé par son père dans le culte du courage, comme Tronson par le
sien dans celui des clicailles. Il est vrai qu’à celles-ci nos beaux guerriers
ne sont pas non plus de glace, mais ils y tendent par l’épée, et non par les
arts mécaniques. À chacun sa picorée, comme disait notre berger Jonas à
Mespech.
    — Monsieur de Vie, j’ai sur ces moyens doux quelque
petite idée, dis-je, et plaise à vous de me lâcher la bride que je la puisse
mettre à l’épreuve.
    — À votre guise, dit M. de Vie, d’un air
mal’engroin assez, mais ramentez-vous, Siorac, que si elle défaut, je vous les
rends tous pendus en un battement de cil.
    J’appelai alors Pissebœuf et lui dis de courre jusqu’à la
rue du Chantre sur laquelle donnait un des murs de ma cour afin que de
surveiller ledit mur et de me mander par un petit vas-y-dire combien de
ces vaunéants s’en sauveraient par là, dès que j’aurais fait mon annonce. Quoi
fait, et Pissebœuf départi comme carreau d’arbalète, je m’approchai de mon
portail et criai d’une voix forte :
    — Bahuet ! L’homme dont tu as lacéré le pourpoint,
c’est je ! Je, le marquis de Siorac, dont tu occupes proditoirement le
logis et dont tu attentes, au déguerpir, de rober les meubles. Bahuet, j’ai là
avec moi M. de Vie, gouverneur de Saint-Denis, dont le monde entier
connaît la vaillance, et une bonne vingtaine d’arquebusiers. M. de Vie
se propose de mettre un pétard sous la porte et de vous rendre tous tués ou
pendus pour rébellion. Toutefois, si tu viens à résipiscence et remets mes
meubles en place et nous ouvres, j’ai obtenu de lui de t’accorder vie sauve, et
à tes acolytes aussi, hormis à ceux qui sont en coquetterie avec le lieutenant
de police. C’est juré sur ma parole de gentilhomme !
    Ayant dit, ou plutôt huché à gorge déployée, je fis un grand
geste des deux bras pour réclamer le silence, toutefois inutilement, car non
seulement nos gens, les arquebusiers, Tronson, Miroul et Vie s’accoisaient,
mais toute la rue – j’entends les commères et compères aux fenêtres,
personne ne se hasardant à mettre le pié sur le pavé de peur d’être mêlé au
chamaillis – restait bec bée à tendre l’oreille pour ouïr la réponse de
Bahuet – et la tendit en vain, car durant les longues minutes qui
suivirent, le drole ne répondit ni mot ni miette.
    — Mordié ! Le vaunéant nous lanterne ! dit à
la parfin M. de Vie en se retroussant la moustache. Arquebusier, un
pétard ! Là ! Sous cette porte de merde ! Et vite !
    — Ha ! Monsieur le Marquis ! Monsieur de
Vie ! Messieurs ! s’écria Tronson en poussant tout soudain sa grosse
bedondaine entre Vie et moi, faire sauter une tant belle porte, c’est le crime
des crimes ! Je vous le dis, moi, maître-menuisier Tronson de la rue
Saint-Denis ! Façonnée qu’elle est en beau chêne sans nœud, le grain serré
et de forte texture, avec bonnes moulures, lesquelles ne sont point rapportées,
mais creusées dans l’épais du bois, sans compter que l’explosion risque aussi
de tordre vos ferrures, lesquelles sont de haute graisse et fort bien
travaillées, et au surplus, d’ébranler votre mur, voire même d’écrouler votre
linteau de belles pierres, si la clef de voûte est le moindrement navrée !
Messieurs, il faut cent ans d’âge pour rendre une porte tant saisonnée, drue et
dure que celle-ci, tant est que vous n’y pourriez même enfoncer un clou, si
vous le vouliez. Et dissiper en une seconde l’ouvrage de tant de temps,
mordié ! c’est pitié, et que m’oie la Benoîte Vierge, très sacrilégieux
gaspillement !
    — La peste soit du grand jaseur ! dit
M. de Vie. Allons-nous faire éternellement le pied de grue devant une
porte, pour ce qu’un vaunéant l’a remparée de l’intérieur ?
    — Monsieur de Vie, cria d’une fenêtre de la rue un
compère dont les moustaches valaient bien celles du gouverneur de Saint-Denis,
oyez le maître-menuisier, il parle raison ! C’est je, maître-charpentier
Gaillardet, dit gambe de bois, qui le dis ! Plus belle porte que celle-là
il n’y a pas dans la rue du Champ Fleuri !
    — Monsieur de Vie ! cria d’une autre fenêtre une
forte

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