La Prison d'Édimbourg
refuser une chose que vous me demandez avec des larmes.
Effie se jeta de nouveau à son cou, l’embrassa et pleura :
– Si vous saviez, lui dit-elle, combien il y a long-temps que je n’ai entendu parler de lui ! combien cela me ferait de plaisir d’apprendre de lui quelque chose de doux et de tendre ! vous ne seriez pas surprise de ma demande.
Jeanie soupira, et elle lui raconta, en abrégeant autant que possible, tout ce qui s’était passé entre elle et Robertson. Effie l’écoutait avec inquiétude, presque sans oser respirer ; elle tenait une main de sa sœur entre les siennes, semblait la dévorer des yeux, et ne l’interrompait que pour s’écrier de temps en temps avec des soupirs et des demi-mots : – Pauvre ami ! pauvre Georges !
Quand Jeanie eut fini, il y eut un long intervalle de silence.
– Et voilà l’avis qu’il vous donna ? telles furent les premières paroles d’Effie.
– Comme je viens de vous le dire, reprit la sœur.
– Et il voulait que vous parlassiez à ces gens-là pour sauver ma jeune vie ?
– Il voulait, répondit Jeanie, que je me parjurasse.
– Et vous lui dîtes que vous ne vous placeriez pas entre moi et la mort qui me menace lorsque je n’ai que dix-huit ans ?
– Je lui dis, répliqua Jeanie qui tremblait de la tournure que semblaient prendre en ce moment les réflexions de sa sœur, que je ne pouvais me résoudre à jurer un mensonge.
– Qu’appelez-vous un mensonge ? s’écria Effie se laissant aller à son ancien caractère ; vous êtes bien blâmable, ma fille, si vous pensez qu’une mère voudrait ou pourrait faire périr son propre enfant. Faire périr ! – J’aurais donné ma vie seulement pour le voir un instant.
– Je suis bien convaincue que vous êtes aussi incapable, aussi innocente de ce crime, que le nouveau-né lui-même.
– Je suis vraiment ravie, continua Effie sur le même ton, que vous vouliez bien me rendre cette justice ! les personnes qui, comme vous, n’ont rien à se reprocher, ne sont souvent que trop portées à soupçonner les autres de ce dont elles n’ont pas même eu la tentation d’être coupables.
– Je ne mérite pas cela de vous, Effie ! lui dit Jeanie en pleurant, émue par l’injustice de ce reproche, et le pardonnant cependant à sa sœur dans la situation où elle se trouvait.
– Cela est impossible, ma sœur, mais vous trouvez mauvais que j’aime Robertson, et comment n’aimerais-je pas celui qui m’aime mieux que son corps et son âme tout ensemble ? N’a-t-il pas risqué sa vie pour forcer la prison, et m’en faire sortir ? Et je suis bien convaincue que, s’il dépendait de lui comme de vous…
À ces mots, elle s’arrêta.
– Ah ! s’il ne fallait que risquer ma vie pour vous sauver ! s’écria Jeanie.
– Holà ! ma fille, cela est facile à dire, mais moins facile à croire, puisque vous n’avez qu’un mot à dire pour me sauver ; et, si c’était un mot coupable, vous auriez tout le temps de vous en repentir.
– Mais ce mot, ma sœur, est un grand péché, et le péché n’en est que plus grand quand on le commet volontairement et avec présomption.
– Fort bien, fort bien, Jeanie ! Je penserai à tous les péchés de présomption, n’en parlons plus ! et vous pouvez conserver votre langue pour dire votre catéchisme ; et, quant à moi, je n’aurai bientôt plus rien à dire sur personne.
– Je dois dire, s’écria Ratcliffe, qu’il est diablement dur, quand trois mots de votre bouche pourraient donner à la jeune fille la chance de faire la nique à Moll-Blood, de vous faire tant de scrupules pour les jurer ! Que Dieu me damne si je n’en jurerais pas un millier pour lui sauver la vie, si l’on voulait m’admettre au serment. – J’y suis accoutumé pour de moindres affaires. – Oh ! j’ai baisé la peau de veau plus de cinquante fois en Angleterre pour un tonneau d’eau-de-vie.
– N’en parlez plus, dit la prisonnière, et il vaut autant que je… Adieu, ma sœur, nous retenons trop long-temps M. Ratcliffe ; j’espère que je vous reverrai avant que… Elle ne put achever, et son visage se couvrit d’une pâleur mortelle.
– Est-ce donc ainsi que nous nous séparerons ! s’écria Jeanie : dites, ma sœur, dites ce que vous voulez que je fasse, et je crois que je trouverai dans mon cœur assez de force pour vous le promettre.
– Non, ma sœur, non, ma chère Jeanie ! s’écria Effie après un
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