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La Reine étranglée

La Reine étranglée

Titel: La Reine étranglée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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ma cousine, vous ne
parlez pas de bon sens ! s’écria Robert.
    — Mais si, mais si. Je crois
bien que je vais refuser, répéta-t-elle d’une voix douce.
    Le géant eut un mouvement
d’impatience.
    — Marguerite, écoutez-moi. Vous
avez tout avantage à accepter maintenant. Louis est impatient de nature, prêt à
céder n’importe quoi pour obtenir sur-le-champ ce qu’il désire. Jamais plus
vous ne pourrez en tirer si bon parti. Consentez à déclarer ce qu’on vous
demande. Votre affaire n’a pas besoin d’aller devant le Saint-Siège ; elle
peut être jugée par le tribunal épiscopal de Paris. Avant trois mois, vous
aurez repris pleine liberté de vous-même.
    — Sinon ?…
    Elle se tenait un peu penchée vers
le feu, les paumes offertes à la flamme, et dodelinant la tête. Le cordonnet
qui fermait le col de sa longue chemise s’était dénoué, et elle offrait sa
gorge, profondément, aux regards de son cousin. « La mâtine a gardé de
beaux seins, pensait d’Artois, et ne semble pas avare de les montrer…»
    — Sinon ?… répéta-t-elle.
    — Sinon l’annulation sera
prononcée de toute manière, ma mie, car on trouve toujours un motif pour
annuler le mariage d’un roi. Aussitôt qu’il y aura un pape…
    — Ah ! Il n’y a donc
toujours pas de pape ? dit Marguerite.
    Robert d’Artois se pinça les lèvres ;
il avait fait une faute. Il n’avait pas songé que Marguerite de Bourgogne
pouvait ignorer, au fond de sa prison, ce dont le monde entier était informé, à
savoir que, depuis la mort de Clément V, le conclave ne réussissait pas à
élire un nouveau pontife. Il venait de fournir une bonne arme à son adversaire,
laquelle, s’il en jugeait par la vitesse de la réaction, n’était pas aussi
alanguie qu’elle voulait le paraître.
    Cette bévue commise, il tenta de la
tourner à son avantage en jouant le jeu de la fausse franchise, où il était
maître.
    — Mais c’est bien là votre
chance ! s’écria-t-il, et c’est justement ce que je veux vous faire
entendre. Dès que ces pendards de cardinaux, qui tiennent marché de promesses
comme s’ils étaient en foire, auront assez vendu leurs voix pour consentir à se
mettre d’accord, Louis n’aura plus besoin de vous. Vous aurez seulement obtenu
qu’il vous haïsse un peu plus, et qu’il vous tienne enfermée ici à jamais.
    — Je vous comprends bien. Mais
je comprends également qu’aussi longtemps qu’il n’y a point de pape, on ne peut
rien sans moi.
    — C’est bêtise que de vous
obstiner, ma mie.
    Il vint près d’elle, lui posa sur le
cou sa lourde patte, et se mit à lui caresser l’épaule, sous la chemise.
    Le contact de cette grande main
musclée parut troubler Marguerite.
    — Quel si grand intérêt,
Robert, dit-elle doucement, avez-vous à ce que j’accepte ?
    Il se pencha jusqu’à effleurer des
lèvres ses bouclettes noires. Il sentait le cuir et la sueur de cheval ;
il sentait la fatigue, il sentait la boue ; il sentait le gibier et les
nourritures fortes. Marguerite était comme enveloppée dans cette épaisse odeur
de mâle.
    — Je vous aime bien,
Marguerite, répondit-il ; je vous ai toujours bien aimée, vous le savez.
Et maintenant nos intérêts sont unis. Il vous faut retrouver votre liberté. Et
moi je veux satisfaire Louis, afin qu’il me favorise. Vous voyez bien que nous
devons être alliés.
    En même temps il plongeait la main
fort avant dans le corsage de Marguerite, sans que celle-ci lui opposât aucune
résistance. Au contraire, elle appuyait la tête contre le poignet de son
cousin, et semblait s’abandonner.
    — N’est-ce pas pitié, reprit
Robert, que si beau corps, si doux et alléchant, soit privé des plaisirs de
nature ?… Acceptez, Marguerite, et je vous emmène avec moi ce jour même,
loin de cette prison ; je vous conduis d’abord en quelque douillette
hôtellerie de couvent, où je pourrai vous aller visiter souvent et veiller sur
vous… Que vous importe, en vérité, de déclarer que votre fille n’est pas de
Louis, puisque vous n’avez jamais aimé cette enfant ?
    Elle leva les yeux.
    — Si je n’aime point ma fille,
dit-elle, n’est-ce pas la preuve justement qu’elle est bien de mon époux ?
    Elle demeura rêveuse un moment, le
regard en l’air. Les bûches s’écroulèrent dans l’âtre, illuminant la pièce d’un
grand jaillissement d’étincelles. Et Marguerite soudain se mit à rire.
    — Qu’est-ce donc qui

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