La Reine Sanglante
éclata de rire, en murmurant :
« Je les tiens ! Tous ! tous ! »
*
* *
L’arrivée de Buridan à la Courtille-aux-Roses fut saluée par les trois compères d’acclamations enthousiastes.
Guillaume Bourrasque faillit l’étouffer en le serrant dans ses bras. Puis, ce furent d’innombrables questions auxquelles Buridan se contenta de répondre qu’il n’avait pu résister au désir d’aller à Montmartre.
Bigorne, alors, raconta en quelques mots la macabre aventure arrivée à Gillonne, puis à Malingre et conclut en disant que les deux cadavres avaient été proprement enterrés dans un terrain vague auquel attenait le jardin de la Courtille-aux-Roses.
« Buridan, fit alors Guillaume avec inquiétude, tu ne vas pas dire que cet or-là, comme celui de Stragildo, est taché de sang ?…
– C’est un héritage ! s’écria Bigorne, Gillonne et Malingre m’ont fait leur héritier. Par saint Barnabé, c’est de l’argent honnêtement acquis ! Le curé de Saint-Eustache n’en aura pas miette ! »
Buridan se mit à rire.
« Voyons, reprit-il, il faut maintenant que je parle à Stragildo.
« Il m’est venu une idée qui peut-être nous aidera à sauver nos deux malheureux amis.
– Et tu espères, fit Guillaume, que Stragildo t’y aidera ?
– De gré ou de force, oui !…
– Voyons l’idée, dit Bigorne qui, cependant, rangeait l’or dans les cassettes.
– Elle est bien simple, dit Buridan. Je veux me servir de Stragildo pour arriver jusqu’au gouverneur du Temple… au comte de Valois, ajouta-t-il avec un soupir.
« Une fois que je serai en présence de Valois…
– Vous iriez donc au Temple ? fit Bigorne.
– Ou bien ce serait le comte qui viendrait ici, dit froidement Buridan. Une fois que je le tiendrai, donc, je sais ce qu’il faut lui dire pour le décider à favoriser la fuite de Philippe et de Gautier.
« Oui… maintenant que Marguerite de Bourgogne est perdue, on peut forcer Valois dans son dernier retranchement…
– Bon ! fit Bigorne, toujours méfiant. Pour un bachelier l’idée n’est pas mauvaise.
« Mais comment décider Stragildo ?
« Je prévois, en effet, que c’est lui qui va être envoyé en ambassade au Temple, car vous comptez sur la confiance que Valois doit avoir en cet homme ?
– Cet or me servira à le décider », fit Buridan en désignant les cassettes.
Guillaume, Riquet et Bigorne ne poussèrent qu’un même cri de protestation.
« Soyez tranquilles, fit Buridan, je ne vous ai dit que la moitié de mon idée… »
Cette assurance ne calma nullement les trois compères.
Mais, sans tenir compte de leurs lamentations, Buridan descendit dans la salle du rez-de-chaussée, prit les clefs du caveau, se munit d’une lanterne et s’enfonça dans l’escalier qui conduisait dans les sous-sols.
Il arriva à la porte du caveau où Stragildo avait été enfermé et écouta un instant.
Il n’entendit aucun bruit. Alors, tirant son poignard, il ouvrit…
Et un cri terrible lui échappa :
Le caveau était vide !
XXXVI
LE CAVEAU DE LA COURTILLE-AUX-ROSES
Qu’était devenu Stragildo ? Nous allons le dire en peu de mots.
Stragildo avait été enfermé dans le caveau voisin de celui où Simon Malingre et Gillonne devaient si tristement terminer leurs jours.
Deux journées, deux mortelles et longues journées se passèrent ainsi, sans qu’il eût pu même ébaucher un plan quelconque.
Le troisième jour, la porte du cachot voisin s’ouvrit. Il entendit comme le bruit sourd d’un corps posé à terre sans précaution, et la porte se referma.
Stragildo qui, toujours silencieux, écoutait, la face collée contre un trou de la cloison, put assister à la mort de Gillonne ainsi qu’à la longue et terrible agonie de Malingre, devenu fou.
Pas un instant, l’idée ne lui vint d’intervenir et d’essayer de sauver la femme qui râlait derrière cette cloison qu’il aurait pu facilement abattre.
Il ne songea pas davantage à intervenir lorsque le fou se mit à creuser le trou où il cherchait son trésor.
De temps en temps, il exprimait tout haut ses pensées.
« Oui, oui, creuse, creuse toujours… je n’ai pas besoin de me presser… tu travailles pour moi… Par l’enfer, c’est à croire que mon maître Satan lui-même m’a dépêché ce fou pour me prêter assistance… il me donne une idée et il fait ma besogne. »
D’où provenait donc la satisfaction de Stragildo ?
Tout simplement de
Weitere Kostenlose Bücher