La Reine Sanglante
est ! Sûrement Louis a dû l’étrangler net en la trouvant à la Tour de Nesle. À qui m’adresser pour les faire prendre tous dans la Courtille-aux-Roses ? Le roi ?… Hum ! je le connais : il doit rêver les pires supplices contre celui qui, pourtant, lui a rendu un tel service ! Je suis sûr que la récompense de Stragildo sera pour le moins d’être écorché vif… Qui, alors ? Qui donc a intérêt de s’emparer de Buridan et de Myrtille tout à la fois ?… »
Stragildo éclata de sire.
Il avait trouvé.
Il se leva et jeta un dernier regard de menace vers la chaumière où habitaient Myrtille et Mabel. Puis il descendit rapidement.
La nuit était tout à fait venue.
Stragildo s’élança et, une fois dans Paris, se mit à courir.
Bientôt, il arriva au Temple.
C’était au comte de Valois que Stragildo avait pensé pour assurer sa vengeance !
Et il vit le roi qui sortait du Temple !
Il le vit si pâle, si triste… Ce jeune homme fougueux, plein de vigueur et d’impétuosité, était si courbé !… Il y avait un si sombre désespoir sur ce visage naguère si riant, si heureux ! Stragildo recula en grondant :
« Mon œuvre !… »
Le comte de Valois accompagnait son neveu, lui parlait à voix basse et paraissait lui donner de formelles assurances auxquelles Louis répondait par des hochements de tête.
Le roi parti, le comte de Valois demeura quelques minutes encore sur l’esplanade, entouré de quelques officiers.
Stragildo, franchissant le cercle des officiers qui l’entouraient, s’approcha de lui, et, avant que les mains qui se levaient déjà pour le saisir se fussent abattues sur lui, glissa ces mots à l’oreille de Valois :
« Buridan ! Myrtille ! Je sais où les trouver ! Je vous les livre !
– Stragildo ! fit Valois, stupéfait. Holà, messieurs, holà. C’est un bon serviteur !… »
Les gens de Valois s’écartèrent et Stragildo pénétra avec le gouverneur dans l’intérieur du Temple. Le comte se dirigea droit à son appartement, y fit entrer Stragildo, et, une fois qu’ils furent seuls :
« Qu’as-tu dit ?…
– Je dis, monseigneur, que Buridan, Bigorne, Bourrasque et Haudryot sont en ce moment à la Courtille-aux-Roses, je dis que Myrtille est au hameau de Montmartre et je m’offre de vous conduire près d’elle. »
À ces mots, Valois frappa violemment sur une table, du pommeau de l’épée. Un valet apparut.
« Mon capitaine des archers ! commanda le gouverneur du Temple.
– Monseigneur, dit Stragildo, qu’allez-vous faire ?… De grâce, écoutez-moi… je connais ces hommes, ils ne dorment que d’un œil, ils ont la ruse du renard… Vous allez leur donner l’éveil…
– Parle. Que faut-il faire ?
– Eh bien, monseigneur, fit vivement Stragildo, commencez par envoyer à toutes les portes de Paris l’ordre de demeurer fermées toute la journée. De plus, faites placer à chaque porte un écrit indiquant que chacun, par compensation, sera libre d’entrer et de sortir la nuit prochaine. Nous attendrons, patients et tranquilles, toute la journée. Le soir, à la nuit tombante, nous sortons, nous gagnons Montmartre, nous nous emparons de la gracieuse Myrtille, et dans la chaumière qu’elle habite, nous attendrons ce maudit Buridan. Voilà le plan.
– Admirable ! » répéta Valois.
Les choses se passèrent selon le plan de Stragildo, lequel plan, d’après l’évaluation du bandit, et l’estime de Valois, valait une outre gonflée d’or.
Cette journée se passa pour Valois dans une fièvre d’impatience.
Le soir vint enfin.
La consigne donnée avait été scrupuleusement observée : aucune porte ne s’était ouverte de toute la journée. Au moment où la nuit commençait à s’épaissir, Valois et Stragildo se dirigèrent vers la porte aux Peintres. Deux hommes les suivaient à distance.
Valois se fit ouvrir la porte et passa en laissant cet ordre :
« Dans une heure, mais pas avant, passage libre pour tout venant. »
Au pied de la butte, les quatre hommes attachèrent leurs chevaux à des arbres. Stragildo, levant la main, montra à Valois des lumières qui tremblotaient là-haut.
« Myrtille ! fit-il sourdement.
– En avant ! » dit Valois, qui frissonna jusqu’aux moelles d’une joie terrible.
Et ils commencèrent à monter…
XXXVIII
LES CACHOTS DU TEMPLE
Nous laisserons le comte de Valois, suivi de Stragildo et de ses hommes, achever l’ascension de la
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