La Revanche de Blanche
enduits de confiture. Blanche fonce chez la Montespan :
— Tu es un monstre ! Elle ne t’a rien fait.
— Calme-toi, petite. J’ai la bénédiction de la reine. Nous nous accordons sur un point : la Fontanges commet un grand péché en se compromettant avec le roi. Elle doit quitter la Cour. As-tu vu son petit ventre ? Je parie qu’elle est grosse !
Quelques jours plus tard, réveillée par des cavalcades, Blanche se lève. Dans un couloir, elle tombe sur La Filastre. La chambrière est pressée :
— Mademoiselle de Fontanges a fait une fausse couche. Elle perd beaucoup de sang.
Le rouge vire au noir. En proie à des hémorragies, Angélique dépérit. Les médecins s’agitent : clystères et saignées ne font que redoubler les flots de sang. Au chevet de la jeune fille, Athénaïs se désespère. Écœurée par cette hypocrisie, Blanche la soupçonne d’avoir donné l’ordre à la Filastre d’empoisonner Angélique. Les fêtes de fin d’année approchent. Une grosse bourse et la lettre du roi au fond de son coffre, elle fait ses adieux à Athénaïs. La marquise lui ouvre les bras :
— Ne m’abandonne pas, ma chérie ; tu es la seule en qui j’ai confiance. Fais-moi plaisir, viens à notre grande fête de l’an.
Blanche ne promet rien.
Une brise du Nord siffle sur la campagne. C’est à peine si on distingue les fermes ensevelies sous la neige. Blanche a hâte de revoir Marquise. La petite fille lit devant un feu avec trois jeunes amies. Dahuh reprise sous une chandelle. Blanche sourit :
— Quand le chat n’est pas là, les souris dansent… Je ne vous reproche rien, Dahuh, au contraire !
— Madame, votre frère m’a chargée de vous dire que, dès votre arrivée, vous deviez aller le trouver.
Derrière des piles de dossiers, l’avocat salue sa sœur du bout des lèvres :
— La chasse aux sorcières bat son plein. La traque aux empoisonneurs, aux enlèvements d’enfants, aux curés sataniques a ouvert une brèche. Le roi nous a recommandé de faire justice, sans aucune distinction de condition ni de sexe. L’affaire est grave. Le 6 mai dernier, la Bosse a donné le nom de madame de Montespan. Nous ne l’avons pas prise au sérieux mais Lesage a confirmé ses dires. Il a parlé de voyages de la Voisin à Saint-Germain. Nous avons cuisiné sa fille, Marie-Marguerite. Elle a dénoncé l’abbé Guibourg et a fini par avouer que la Montespan aurait commandé le placet et les vêtements. Il s’agit d’un crime de lèse-majesté : la marquise risque la mort. Soucieux de ne pas faire éclater de scandale, le roi nous a demandé de redoubler de prudence. Je suis sûr que tu sais quelque chose. N’as-tu rien remarqué ? Des domestiques, des rendez-vous…
Les genoux de Blanche s’entrechoquent :
— Non, je t’assure. La santé de cette pauvre Angélique m’inquiète.
— Nous nous interrogeons sur les causes de son mal. Pour l’amour du ciel, montre-toi plus coopérante. Retourne à la Cour après Noël. Surveille la Montespan. Au moindre indice, fais-moi signe. En échange de tes services, s’il t’arrivait des ennuis, ce que ton amitié inconditionnelle pour elle te fait risquer, je te défendrai, promet l’avocat.
Prise au piège, Blanche ne peut se défiler. Si Guibourg a accusé Athénaïs, il ne va pas tarder à révéler le nom de ceux qui ont assisté à des messes noires. Faut-il fuir en province ? La police est partout, dans les ports, sur les chemins… En sortant du Palais, elle est décidée : ce n’est qu’en revenant à la Cour qu’elle sera épargnée. Dans sa grande bonté, le roi lui évitera le bûcher.
Après un Noël réconfortant chez Ninon, elle repart au Château-Vieux à contrecœur. Des girandoles éclairent les bâtiments. Un grand souper est donné. Devant d’immenses tablées enrichies d’argenterie, de porcelaine, les courtisans attendent le roi. Peu après, d’or et de d’argent vêtu, longue perruque, traîne de velours à fleurs de lys portée par des pages, Louis s’avance, majestueux. À son bras, parée de pierreries, Angélique porte les couleurs de son amant. Tête haute, Athénaïs se pavane. D’une main tremblante, la Fontanges lui offre un almanach couvert de gemmes avec une Prédilection pour les quatre saisons composée par La Fontaine. C’est à peine si elle peut soutenir le regard de sa rivale. Elle blêmit, chancelle, s’effondre. On la porte dans son lit.
Trois
Weitere Kostenlose Bücher