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La Revanche de Blanche

La Revanche de Blanche

Titel: La Revanche de Blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Emmanuelle Boysson (de)
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corbeaux s’agitent à son chevet. Le visage bouffi, Angélique perd du sang. Ces messieurs s’empressent de la saigner. Athénaïs glisse à Blanche :
    — Je me languissais de toi. Je plains notre tendre Angélique. Elle s’est montrée si bonne envers moi.
     
    Jusqu’aux rois, le prieur, Trimont de Cabrières, rebouteux, mi-astrologue mi-herboriste, tente des remèdes miracles à base de plantes. Le jour de la galette, pâle et maigre, Angélique descend dans le grand salon. Le roi l’accompagne jusqu’à un fauteuil. Accoudée à une cheminée, Athénaïs se penche vers Blanche :
    — Louis déteste les malades, je te parie qu’il va venir vers moi.
    Le roi passe devant elle, s’incline et se dirige vers… Mme de Maintenon.
     
    Le lendemain, à midi, à l’heure où Blanche joue au reversi avec Monsieur, Olympe de Soissons à la bassette avec la princesse Palatine, le duc de Bouillon, chef du cabinet du roi, entre dans le salon, entouré de deux gardes. Serré dans son pourpoint noir, l’air compassé, il prie la Mancini de se rendre à son cabinet. Deux heures plus tard, elle n’est toujours pas revenue. La Palatine file dans ses appartements. Quelques minutes plus tard, la princesse réapparaît, livide :
    — Les coffres, buffets et commodes de madame de Soissons ont été vidés. Elle a fui en emportant tout ce qui a du prix : ses vêtements, ses bijoux, ses pierreries, son argenterie, ses cassettes. Elle avait au moins six cent mille livres en liquide… Le roi a donné l’ordre de faire arrêter une vingtaine d’entre nous.
    Un frisson parcourt l’assemblée. C’est le chaos : on fuit, on suppute, on crie au scandale. La vicomtesse de Polignac, le marquis de Cessac disparaissent en catimini dans leurs carrosses : le duc de Bouillon leur a laissé le choix entre la Bastille ou l’exil. Le maréchal de Luxembourg se jette à ses pieds :
    — Je me rends ! N’ayez crainte, tremble le vieil homme en retenant sa perruque.
    — Comment osez-vous m’importuner ? N’oubliez pas qui je suis, s’exaspère Monsieur.
    — Qui n’est pas allé voir une devineresse ? On nous accuse pour des broutilles, s’écrie la Palatine qui sue à grosses gouttes.
    — Les mignons de Monsieur se sont envolés : ils craignent d’être pendus pour sodomie, s’affole Mme de Clermont-Tonnerre.
    — Taisez-vous, bécasse, vous insultez mon mari, la rabroue la Palatine.
    La duchesse de Foix est arrêtée pour s’être fait tirer les fanons avec des épingles, Mme de Vassé pour avoir imploré le diable de lui arrondir les hanches. Dans la cohue générale, des vieilles duchesses s’évanouissent. Un garde se dirige vers Blanche. Elle recule à petits pas, se cache derrière un paravent. L’homme ne tarde pas à la dénicher :
    — Veuillez me suivre ; Monsieur le duc vous attend.

33
    Ni une ni deux, Blanche ouvre une fenêtre, l’enjambe, saute sur la terrasse, dégringole vers la Seine. Suivie par une meute de chiens, elle longe les berges sablonneuses, atteint le petit pont, vise une barque amarrée en contrebas, rame à toute force vers l’autre rive. De là, elle décampe vers une ferme auberge où des chevaux s’ébrouent. Elle enfourche l’un d’eux, le talonne, galope vers Paris. Porte Saint-Martin, des familles entassées dans des calèches fuient la capitale. Elle abandonne l’animal. Une bande de voleurs renverse des étals. Des soldats arrêtent une jeune femme qui se débat : « Je n’ai pas vendu mes gosses aux curés du diable, laissez-moi ! » Un crieur brandit La Gazette  : « La liste des empoisonneuses. » Patrouilles, fouilles, embrouilles, ça sent le brûlé, ça bastonne sec, ça ratisse large dans les bas-fonds. La ville est à feu et à sang. Place Royale, Marquise et Dahuh ont disparu. Blanche bondit chez Ninon. « Paraît que mademoiselle de Lenclos est partie à Villarceaux avec la petite », lui dit un valet. De retour chez elle, elle dévore un bout de fromage, jette un coup d’œil à la fenêtre : un bataillon marche au pas sur la place. Vite, vite, elle attrape un jambon, le Journal de sa mère, des vêtements chauds, des couvertures, grimpe au grenier. Les soldats envahissent son hôtel. Bruits de bottes. Elle se cache derrière une barrique. Monteront ? Monteront pas ? Un dernier cri, puis plus rien. Une heure plus tard, elle s’allonge sur une paillasse mitée, lit des passages du Journal d’Émilie, pour surmonter sa peur,

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