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La rose de Raby

La rose de Raby

Titel: La rose de Raby Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: C.L. Grace
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PROLOGUE
    « Ô péché maudit de toutes les malédictions ! Ô traîtres homicides ! Ô
    iniquité ! »
    Chaucer, « Le conte du Pardonneur »,
    Les Contes de Cantorbéry
    La Mort était venue pour Roger Atworth, l'ancien soldat maintenant membre de la confrérie de l'ordre du Sac, à Cantorbéry,
    — Ô Jésus, miserere ! murmura le vieil homme.
    Il fixait la lumière qui passait sous la porte étroite. La Mort s'était glissée comme un assassin, se hâtant à pas feutrés le long d'une galerie, rapide à frapper depuis les ténèbres d'une ruelle. La Mort avait armé son piège.
    Atworth en savait long sur la souffrance : les douleurs qui traversaient sa poitrine et descendaient le long de son flanc gauche étaient comme un tocsin l'avertissant qu'il ne lui restait que peu de temps à vivre. Atworth voulut remuer, mais ses jambes, ses mains et ses bras étaient comme coulés dans une chape de plomb. Son esprit divaguait. Quel jour était-on ? Il avait perdu tout sens du temps. Les bons frères se préparaient à célébrer la fête de l'Annonciation, se rappela-t-il, qui avait lieu neuf mois avant Noël. Atworth eut une toux profonde et lécha les mucosités qui se formaient aux coins de sa bouche. Il ne verrait plus un autre Noël. Il ne s'agenouillerait plus en adoration devant la crèche, n'aiderait plus à la décorer avec du houx et du lierre, se demandant comme toujours si les baies rouge vif symbolisaient le sang du Christ. Atworth voulut se concentrer. Il s'y connaissait assez en sciences médicales pour identifier les symptômes de son mal. N'était-ce pas ainsi que frère Simon, l'infirmier, les décrivait? Son corps tout entier était dévasté par la souffrance. Il avait la gorge sèche, n'avait même pas pu manger les maigres restes que lui avait apportés la mystérieuse silhouette encapuchonnée.

    — Qui était-ce? murmura Atworth dans les ténèbres.
    Mais aussi, quelle importance? Il allait mourir et, comme tout bon soldat, il y était préparé. Il tenta de se rappeler les mots du psaume de la mort, le De profundis. Quel était-il, déjà? Le psaume 130?
    Du fond de l'abîme j'ai crié vers vous, Seigneur : Seigneur, écoutez ma voix!
    Que vos oreilles se rendent attentives au cri de ma
    [prière.
    Si vous tenez un compte exact des iniquités,
    [Seigneur...
    Atworth toussa. Il tenta de relever la tête, mais l'effort était trop difficile. Il fixa l'obscurité grandissante. Coupable! Oh, comme il se sentait coupable!
    Impossible d'arrêter les cauchemars qui déversaient leur noirceur, comme des eaux fétides, aigrissant son âme. C'était des cauchemars du temps de sa jeunesse, quand il combattait au nord de la France dans les troupes mercenaires, sous une bannière rouge et or. Un temps de pillages et de rapines : on incendiait des villages entiers ! Des hommes, des femmes et des enfants étaient fauchés comme des lis dans les prés.
    Roger Atworth secoua la tête. Il se rappelait une jeune femme qu'il avait prise.
    Où était-ce, déjà? Au nord du village d'Azincourt, où le roi Henri avait remporté sa grande victoire. La femme s'enfuyait avec un fardeau ou un fagot sur l'épaule, et elle traversa en trébuchant la clairière où Atworth se reposait avec ses compagnons. Il l'avait violée, et ses hommes aussi, avant de l'abandonner, misérable paquet de chair ensanglantée, marquée à jamais dans son esprit, son corps et son âme.
    —
    O Jésus, miserere !
    Atworth implorait la miséricorde dont il avait désespérément besoin et que pourtant il ne méritait pas. Avec ses hommes, il avait été maudit pour ce viol.
    Une vieille vivant dans la forêt, entendant les hurlements de la fille, était arrivée en hâte voir ce qu'il en était. Elle s'était tenue au bord de la clairière, ses cheveux gris répandus sur ses épaules, son vieux visage tendu dans une expression de dégoût et de fureur. Même alors, Atworth avait admiré son courage. Pointant en l'air un doigt noueux, elle s'était avancée comme un prophète d'antan. D'abord elle s'était exprimée en un patois que personne n'avait compris, et puis, fait assez étonnant, elle était passée à l'anglais.
    —
    Soyez maudits ! avait-elle glapi. Soyez maudits quand vous mangez et buvez, soyez maudits de jour et de nuit, à pied ou à cheval, couchés ou debout ! Maudits soyez-vous à l'aube et au cœur de la nuit. Par ma mort, soyez maudits !
    Atworth ferma les yeux. Il se rappelait la scène comme si elle s'était produite une

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