La Sorcière
martyre, le disaient à leurs sœurs, à leur confesseur, à la Vierge. Chose louchante, bien plus que ridicule, et digne de pitié. On lit dans un registre d'une inquisition d'Italie cet aveu d'une religieuse ; elle disait innocemment à la Madone : « De grâce, sainte Vierge, donnez-moi quelqu'un avec qui je puisse pécher » (dans Lasleyrie, Confession , p. 205). Embarras réel pour le directeur, qui, quel que fût son âge, était en péril. On sait l'histoire d'un certain couvent russe : un homme qui y entra n'en sortit pas vivant. Chez les nôtres, le directeur entrait et devait entrer tous les jours. Elles croyaient communément qu'un saint ne peut que sanctifier, et qu'un être pur purifie. Le peuple les appelait en riant les sanctifiées (Lestoile). Cette croyance était fort sérieuse dans les cloîtres. (V. le capucin Esprit de Bosroger, ch. xi , p 156.)
20. Je ne connais aucun livre plus important, plus terrible, plus digne d'être réimprimé ( Bibl. nat. Z, ancien 1016). C'est l'histoire la plus forte en ce genre. — La Piété affligée , du capucin Esprit de Bosroger, est un livre immortel dans les annales de la bêtise humaine. J'en ai tiré, au chapitre précédent, des choses surprenantes qui pouvaient le faire brûler ; mais je me suis gardé de copier les libertés amoureuses que l'ange Gabriel y prend avec la Vierge, ses baisers de colombe, etc. — Les doux admirables pamphlets du vaillant chirurgien Yvelin sont à la Bibliothèque de Sainte-Geneviève. L' Examen et l' Apologie se trouvent dans un volume relié et mal intitulé Éloges de Richelieu (Lettre X, 550). L' Apologie s'y trouve en double au volume Z, 899.
21. V. Hoquet, Parl. de Normandie , t. V, p. 636.
IX
Satan triomphe au XVII e siècle
La Fronde est un Voltaire. L'esprit voltairien, aussi vieux que la France, mais longtemps contenu, éclate en politique et bientôt en religion. Le grand roi veut en vain imposer un sérieux solennel. Le rire continue en dessous.
Mais n'est-ce donc que rire et risée ? Point du tout, c'est l'avènement de la Raison. Par Képler, Galilée, par Descartes et Newton, s'établit triomphalement le dogme raisonnable, la foi à l' immutabilité des lois de la Nature . Le miracle n'ose plus paraître, ou, quand il l'ose, il est sifflé.
Pour parler mieux encore, les fantasques miracles du caprice ayant disparu, apparaît le grand miracle universel et d'autant plus divin qu'il est plus régulier.
C'est la grande Révolte qui décidément a vaincu. Vous la reconnaissez dans les formes hardies de ces premières explosions, dans l'ironie de Galilée, dans le doute absolu dont part Descartes pour commencer sa construction. Le moyen âge eût dit « C'est l'esprit du Malin . »
Victoire non négative pourtant, mais fort affirmative et de ferme fondation. L' Esprit de la nature et les sciences de la nature , ces proscrits du vieux temps, rentrent irrésistibles. C'est la Réalité, la Substance elle-même qui vient chasser les vaines ombres.
On avait follement dit : « Le grand Pan est mort. » Puis, voyant qu'il vivait, on l'avait fait un Dieu du mal ; à travers le chaos, on pouvait s'y tromper. Mais le voici qui vit, et qui vit harmonique dans la sublime fixité des lois qui dirigent l'étoile et qui non moins dirigent le mystère profond de la vie.
On peut dire de ce temps deux choses qui ne sont point contradictoires : l'esprit de Satan a vaincu, mais c'est fait de la sorcellerie.
Toute thaumaturgie, diabolique ou sacrée, est bien malade alors. Sorciers, théologiens, sont également impuissants. Ils sont à l'état d'empiriques, implorant en vain d'un hasard surnaturel et du caprice de la Grâce les merveilles que la science ne demande qu'à la Nature, à la Raison.
Les jansénistes, si zélés, n'obtiennent en tout ce siècle qu'un tout petit miracle ridicule. Moins heureux encore, les jésuites, si puissants et si riches, ne peuvent à aucun prix s'en procurer, et se contentent des visions d'une fille hystérique, sœur Marie Alacoque, énormément sanguine, qui ne voyait que sang. Devant une telle impuissance, la magie, la sorcellerie pourront se consoler.
Notez qu'en cette décadence de la foi au surnaturel, l'un suit l'autre. Ils étaient liés dans l'imagination, dans la terreur du moyen âge. Ils sont liés encore dans le rire et dans le dédain. Quand Molière se moqua du Diable et « des chaudières bouillantes », le clergé s'émut fort ; il sentit que la foi
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