Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Sorcière

La Sorcière

Titel: La Sorcière Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
Vom Netzwerk:
au Paradis baissait d'autant.
    Un gouvernement tout laïque, celui du grand Colbert (qui fut longtemps le vrai roi), ne cache pas son mépris de ces vieilles questions. Il vide les prisons des sorciers qu'y entassait encore le parlement de Rouen, défend aux tribunaux d'admettre l'accusation de sorcellerie (1672). Ce parlement réclame et fait très-bien entendre qu'en niant la sorcellerie, on compromet bien d'autres choses. Eu doutant des mystères d'en bas, on ébranle dans beaucoup d'âmes la croyance aux mystères d'en haut.
     
    Le sabbat disparaît. Et pourquoi ? C'est qu'il est partout. Il entre dans les mœurs. Ses pratiques sont la vie commune.
    On disait du sabbat : « Jamais femme n'en revint enceinte. » On reprochait au Diable, à la sorcière, d'être l'ennemi de la génération, de détester la vie, d'aimer la mort et le néant, etc. Et il se trouve justement qu'au pieux dix-septième siècle, où la sorcière expire 22. , l'amour de la stérilité et la peur d'engendrer sont la maladie générale.
    Si Satan lit, il a sujet de rire en lisant les casuistes ses continuateurs. Y a-t-il pourtant quelque différence ? oui. Satan, dans des temps effroyables, fut prévoyant pour l'affamé ; il eut pitié du pauvre. Mais ceux-ci ont pitié du riche. Le riche, avec ses vices, son luxe, sa vie de cour, est un nécessiteux, un misérable, un mendiant. Il vient en confession, humblement menaçant, extorquer du docteur une autorisation de pécher en conscience. Un jour quelqu'un fera (si on en a le courage) la surprenante histoire des lâchetés du casuiste qui veut garder son pénitent, des expédients honteux où il descend. De Navarro à Escobar, un marchandage étrange se fait aux dépens de l'épouse, et on dispute encore un pou. Mais ce n'est pas assez. Le casuiste est vaincu, lâche tout. De Zoccoli à Ligouri (1670-1770), il ne défend plus la nature.
    Le Diable, au sabbat, comme on sait, eut deux visages, l'un d'en haut, menaçant, et l'autre au dos, burlesque. Aujourd'hui qu'il n'en a que faire, il donnera ce dernier généreusement au casuiste.
    Ce qui doit amuser Satan, c'est que ses fidèles se trouvent alors chez les honnêtes gens, les ménages sérieux qui se gouvernent par l'Église 23. . La mondaine, qui relève sa maison par la grande ressource du temps, l'adultère lucratif, se rit de la prudence et suit la nature hardiment. La famille dévote ne suit que son jésuite. Pour conserver, concentrer la fortune, pour laisser un fils riche, elle entre aux voies obliques de la spiritualité nouvelle. Dans l'ombre et le secret, la plus fière, au prie-Dieu, s'ignore, s'oublie, s'absente, suit la leçon de Molinos : « Nous sommes ici-bas pour souffrir ! Mais la pieuse indifférence, à la longue, adoucit, endort. On obtient un néant. — La mort ? Pas tout à fait. Sans se mêler, ni répondre des choses, on en a l'écho, vague et doux. C'est comme un hasard de la Grâce, suave et pénétrante, nulle part plus qu'aux abaissements où s'éclipse sa volonté. »
    Exquises profondeurs... Pauvre Satan ! que tu es dépassé ! Humilie-toi, admire, et reconnais tes fils.
     
    Les médecins, qui bien plus encore sont ses fils légitimes, qui naquirent de l'empirisme populaire qu'on appelait sorcellerie, eux ses héritiers préférés à qui il a laissé son plus haut patrimoine, ne s'en souviennent pas assez. Ils sont ingrats pour la sorcière qui les a préparés.
    Ils font plus. A ce roi déchu, à leur père et auteur, ils infligent certains coups de fouet... Tu quoque, fili mi ! ... Ils donnent contre lui des armes cruelles aux rieurs.
    Déjà ceux du seizième siècle se moquaient de l'Esprit, qui de tout temps, des sibylles aux sorcières, agita et gonfla la femme. Ils soutenaient qu'il n'est ni Diable, ni Dieu, mais, comme disait le moyen âge : « le Prince de l'air. » Satan ne serait qu'une maladie !
    La possession ne serait qu'un effet de la vie captive, assise, sèche et tendue, des cloîtres. Les 6,500 diables de la petite Madeleine de Gauffridi, les légions qui se battaient dans le corps des nonnes exaspérées de Loudun, de Louviers, ces docteurs les appellent des orages physiques. « Si Éole fait trembler la terre, dit Yvelin, pourquoi pas le corps d'une fille ? » Le chirurgien de la Cadière (qu'on va voir tout à l'heure) dit froidement : « Rien autre chose qu'une suffocation de matrice. »
    Étrange déchéance ! L'effroi du moyen âge, vaincu, mis en déroute

Weitere Kostenlose Bücher