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la tondue

la tondue

Titel: la tondue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie de Palet
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s’était trompée, en cet air qui se voulait désinvolte mais qu’elle avait appris à reconnaître durant toutes les années de guerre, cachait une peur égale à la sienne… Son attitude, qui se voulait décontractée lorsqu’il était monté dans le train, le trahissait plus sûrement encore.
    Elle se rassura un peu et se tassa dans un coin, les yeux mi-clos, surveillant l’inconnu.
    Au bout d’un moment, elle surprit son regard traqué qui examinait les autres voyageurs : la plupart, de braves paysannes endimanchées qui revenaient de la ville la plus proche.
    « Tiens, tiens », se dit-elle, « serait-il dans la même situation que moi ? »
    Le train chantait toujours de sa voix monocorde. La fin du voyage se rapprochait et un air de déjà vu venant des montagnes entr’aperçues depuis la banquette du train, lui rappelait le pays qu’elle allait retrouver.
    Des vaches somnolentes levaient un œil éteint au bruit bringuebalant des wagons, puis se remettaient à brouter paisiblement. Un vent plus frais lui caressa la nuque et elle se sentit des fourmis dans les jambes !…
    Le long voyage se terminait. La petite gare de la Bastide apparut à l’horizon tel un jouet d’enfant.
    « Que c’est petit !… » pensa-t-elle.
    Elle saisit sa valise et se prépara à descendre.

II
    Jacques
    « La Bastide, Saint-Laurent-Les-Bains !… Deux minutes d’arrêt. Les voyageurs pour Mende changent de train », annonça une voix à l’accent oublié…
    «  J ’ ai eu tant de mal à m ’ en défaire de cet accen t et dire que je vais le retrouver  !… » Elle sauta sur le marchepied et, dans son élan, faillit heurter l’inconnu qui, sa valise à la main, descendait à vive allure.
    « Pardon ! dit-elle machinalement.
    — Excusez-moi, fit-il en reculant, après vous mademoiselle… »
    Elle passa rougissante et morte de peur : la suivait-il ? Elle n’osa pas se retourner pour voir si, comme elle, il montait dans le train garé sur la voie de gauche et qui soufflait déjà en attendant les voyageurs.
    Elle monta et s’installa, heureuse malgré tout de sentir la fin du voyage. Elle jeta un coup d’œil sur le quai mais ne vit pas l’homme à la gabardine.
    «  Ouf  ! » pensa-t-elle, «  le cauchemar est fini … » Une envie de rire, de sauter et de crier la saisit comme au temps où, gamine, elle courait dans les genêts. Elle se retourna, prête à s’amuser du premier incident, mais resta immobile, le visage étonné et le rire, prêt à jaillir, figé en un rictus : lui tournant le dos, l’inconnu du train de Paris s’installait tranquillement en tirant son livre de sa poche.
    «  Ce n’est pas possible », se dit-elle, «  que viendrait-il faire dans ce pays perdu ? Ce n’est plus une coïncidence ! »
    Elle se pelotonna dans un coin et ferma les yeux où elle sentait monter des larmes de rage.
    Non, non, elle se trompait… Personne ne pouvait savoir… Plus maintenant !…
    Elle sentit monter l’atroce peur qui lui serrait le ventre comme au jour où, cachée dans une cave, elle entendait, par-dessus sa tête, se croiser des tirs sporadiques, dans un Paris livré à la guerre.
    Elle aurait voulu se lever, s’en aller, courir dans ces étendues arides dont les senteurs envahissaient le wagon. Le ciel rose virait au mauve et les sapins noirs, à l’horizon, paraissaient menaçants… Yvette se sentit, à la fois épouvantée et pourtant rassurée comme si le pays, à première vue hostile, allait lui porter secours malgré ou à cause de cette sauvagerie qu’elle avait oubliée.
    Le train se traînait maintenant, de tunnels obscurs en landes fleuries. Le squelette d’un pont dressant ses moignons noircis sur le ciel qui s’assombrissait lui fit brusquement tourner la tête. L’inconnu en avait fait autant. Bizarrement, cela la rassura. Il lui devenait même sympathique ; mais elle ne s’attarda pas à cette idée et ferma les yeux, attentive seulement à éviter les cahots de cette vieille guimbarde de locomotive qui zigzaguait lentement comme un serpent malade.
     
    « Mende, Mende, tout le monde descend !… »
    «  Enfin , ce n ’ est pas trop tôt  ! Je dois être pleine de bleus  », pensa-t-elle en ouvrant des yeux vaguement inquiets sur la petite gare noire qu’elle avait bien cru ne jamais revoir.
    Les rares voyageurs enjambaient le marchepied et sautaient sur le quai dont ils s’éloignaient rapidement.
    Elle sortit juste devant

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