la tondue

gare pour la déposer, alors qu’il se rendait à son travail à Mende.
    Une fois dans le train Yvette avait rangé les billets, elle en avait compté cinq de 10.000 francs. Cinquante mille francs ! Comment son père avait-il pu réunir une telle somme sans alerter la très méfiante Clémence ? Elle ne le saurait probablement jamais, de même qu’elle ne reverrait peut-être jamais son père…
    Au milieu des billets, elle avait trouvé un papier, tout chiffonné, portant ses mots :
    «  À ma petite Yvette chérie, pour qu’elle puisse faire un bon départ à Paris, ton papa qui t’aime…  »
    Yvette avait lu et relu ce message, l’inondant de larme et l’avait, ensuite soigneusement rangé dans son sac…
    Maintenant, la faim la tenaillait, elle allait pouvoir manger les provisions que lui avait préparées son père et au souvenir de son départ, sa gorge se serra…
    «  Allons, allons, se dit-elle, reprends-toi !»
    C’est alors qu’elle le vit !
    David était là, face à elle, l’air grave, les bras ballants… Incapable de dire un mot, Yvette s’assit et David en fit autant.
    Ils se regardaient comme deux étrangers, ayant tant de choses à se dire et se taisant toujours… Enfin, David commença d’une voix comme timide et apeurée :
    « Tu vas à Paris ?
    — Oui, et toi ?
    — Moi aussi ! »
    Le silence retomba, rompu, de temps en temps, par les ahanements de la locomotive qui ronronnait de plaisir quand elle arrivait dans la plaine…
    Et puis, d’un coup, Yvette n’y tint plus, elle cria :
    « David !… Pardon, pardon, pardon. »
    Il ouvrit les bras et elle s’y jeta en pleurant. Il la serrait à l’étouffer ; elle, des sanglots plein la voix, ne pouvait que balbutier :
    « Pardon, pardon, pardon…
    — Tais-toi, petite fille, disait David en la berçant tendrement, mais tais-toi donc… »
    Il la maintenait contre lui et elle sentait battre son cœur d’homme tout contre le sien…
    Ils restèrent longtemps enlacés et, quand un voyageur vint s’installer près d’eux, ils reprirent leur place sans se quitter des yeux.
    Yvette avait oublié sa faim, son départ et même son passé car, dans les yeux de David, elle lisait qu’une nouvelle vie allait commencer pour elle et, cette fois, elle savait que ce serait pour toujours.