la tondue
surtout. Il allait se retrouver bien seul après le départ de Jacques.
Le mariage avait été fixé en octobre et le jeune couple avait fait part de son intention d’habiter la ferme de Ségala. Les parents avaient tout de suite manifesté leur opposition mais Jacques avait tenu bon et, la mort dans l’âme, ils avaient dû s’incliner.
Jacques, Paulette et Yvette aménageaient et nettoyaient la maison pour la rendre fin prête, car le jeune ménage s’y installerait après la noce.
La mère n’était pas du tout d’accord. Elle boudait depuis qu’elle avait appris la décision. Jacques s’en moquait et restait le moins possible à la maison. Le père, comme toujours, était le premier à en souffrir. Il ne savait qu’inventer pour attendrir sa femme qui refusait toute consolation… Les jours où elle en avait trop sur le cœur, Clémence tournait sa colère contre le père, l’accusant de ne pas avoir d’autorité, d’être la risée du village en laissant les jeunes le quitter alors qu’ils lui devaient tout… En premier, cette ferme qui était à eux ; ils avaient trimé pour l’acheter. Elle se mettait face à lui, les poings sur les hanches et le défiait longuement pour lui donner mauvaise conscience.
Le père baissait la tête, penaud, prenait un air de coupable, mais ne se décidait pas à faire ce que sa femme attendait de lui : ramener le jeune couple à la maison… Il était conscient que s’il faisait cela, c’était la brouille assurée, non seulement avec Paulette et Jacques, mais aussi avec son vieil ami, le seul qui lui restât encore, Paul Mary. La mère, aveuglée par son amour maternel et la crainte du qu’en dira-t-on, n’arrivait pas à comprendre l’attitude de son mari et cela la rendait encore plus dure et intransigeante.
Placée entre les deux, Yvette subissait le contre-coup des disputes sans jamais intervenir. Intérieurement, elle traitait son père de lâche, quitte à l’admirer cinq minutes plus tard pour la façon dont il contrait, sans en avoir l’air, la toute puissance de son épouse. L’atmosphère était lourde et poussait encore un peu plus Yvette vers la fuite.
Une fois sa décision prise, elle s’en ouvrit à Jacques. Il poussa de hauts cris : comment, elle ne voulait pas rester pour les noces ? Elle ne pouvait pas lui faire ça, à lui… « Je ne te demande quand même pas l’impossible, je comprends et respecte ta décision, mais patiente seulement un mois ! Et puis, où iras-tu à Paris ? » Il hésita un peu, puis lui proposa, du bout des lèvres : « Tu pourrais venir habiter chez nous, il y a assez de place.
— Ah, non ! Je ne vais pas m’imposer chez toi. Tu as eu assez de mal à avoir la maison et votre indépendance, je ne vais pas venir me mettre en tiers chez vous ! »
Jacques, visiblement soulagé, n’insista pas ; et Yvette, la mort dans l’âme, se résigna à passer encore un mois chez ses parents où couvait toujours la colère de la mère…
XXXV
La noce
De préparatifs en préparatifs arriva enfin le grand jour. La semaine précédente, Èlisa, Jacques, Paulette et Yvette avaient récuré, peint, lessivé et lavé tout ce qui avait pu l’être. Jacques, juché sur des échafaudages de fortune, avait blanchi l’immense cuisine des Mary, et maintenant, tout resplendissait. Les assiettes du dressoir lançaient mille feux.
La veille du mariage, aidés de Germaine, la cuisinière organisatrice, qui faisait toutes les noces de la vallée, ils avaient dressé le couvert.
La mère, toujours nerveuse, mais oubliant pour quelques jours sa mauvaise humeur, avait sorti du fin fond de ses armoires des nappes et des serviettes brodées qu’Yvette ne connaissait pas. Elle avait, avec de grandes recommandations, confié sa vaisselle aux jeunes filles qui avaient dû faire plusieurs aller et retour pour tout apporter.
Maintenant, la fine porcelaine de la mère voisinait avec la faïence plus ordinaire des Mary. Cela fit dire aigrement à Èlisa, un rien de jalousie dans la voix :
« Hé bien, on la voit à la vaisselle, la différence entre les Martin et nous !
— Moi, je ne vois rien du tout ! » rétorqua Jacques, en embrassant Paulette.
Èlisa sourit, réconfortée et émue par l’entente des jeunes gens.
Enfin, après beaucoup de discussions pour savoir où placer la tante de Poitiers ou les cousins de Mende, on trouva la solution qui contenta tout le monde. Même Clémence, venue
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