La Vallée des chevaux
mystérieuse, avait de grandes chances
d’avoir absorbé son propre esprit. Mais Thonolan refusait de rester. Et comme
Jondalar craignait qu’il fasse une bêtise, il avait insisté pour l’accompagner.
Leurs rapports s’en ressentaient, ils étaient extrêmement tendus.
Jondalar ne savait pas comment faire pour dire au revoir à
Serenio et il était effrayé à l’idée de devoir affronter son regard. Mais,
quand il se pencha vers elle pour l’embrasser, la jeune femme souriait et, même
si elle avait les yeux rouges et gonflés, son regard n’exprimait aucune émotion
particulière. Jondalar chercha Darvo et il fut déçu de voir que le jeune garçon
ne s’était pas joint au groupe de ceux qui étaient descendus sur le ponton pour
assister à leur départ. Pratiquement tous les Sharamudoï étaient là.
Thonolan était déjà installé à l’intérieur du petit bateau et
Jondalar alla s’asseoir sur le siège arrière. Il prit une pagaie et, au moment
où Dolando larguait la corde qui retenait l’embarcation, il jeta un dernier
coup d’œil à la haute terrasse. Un jeune garçon se trouvait tout au bord. La
tunique qu’il portait risquait d’être trop grande pour lui, pendant quelques
années encore, mais les motifs qui la décoraient étaient sans conteste zelandonii.
Jondalar sourit et brandit sa pagaie pour saluer le jeune garçon. Darvo
répondit d’un signe de la main. Jondalar plongea alors sa pagaie à double pale
dans l’eau du fleuve.
Quand les deux frères se retrouvèrent au milieu du courant, ils
se retournèrent pour jeter un dernier regard au ponton noir de monde à tous les
amis qui avaient tenu à assister à leur départ. Alors qu’ils commençaient à
descendre le fleuve, Jondalar se demanda s’il reverrait un jour les Sharamudoï
ou même les Zelandonii. Ce Voyage avait perdu tout intérêt à ses yeux
maintenant qu’il était entraîné, pratiquement contre sa volonté, si loin de
chez lui. Qu’espérait donc trouver Thonolan en partant vers l’est ? Et
lui, qu’est-ce qui l’attendait ?
Sous le ciel gris et bas, les hautes gorges avaient un aspect
oppressant. Les montagnes aux flancs dénudés prenaient pied au fond de l’eau et
formaient de véritables remparts qui enserraient le fleuve des deux côtés. Sur
la rive gauche, une série d’escarpements rocheux au profil anguleux s’élevaient
jusqu’aux lointains sommets couverts de glace. La rive droite était plus érodée
et les montagnes aux sommets arrondis auraient pu passer pour des collines.
Mais pour les deux hommes, assis au fond de la petite embarcation, elles
restaient impressionnantes. Autour des gros rochers qui émergeaient de l’eau se
formaient des tourbillons frangés d’écume.
Les deux frères faisaient intimement partie de l’élément liquide
au sein duquel ils voyageaient et leur embarcation était entraînée par le
fleuve au même titre que les débris qui flottaient à sa surface ou les limons
qu’il remuait dans ses profondeurs. Ils n’étaient maîtres ni de leur vitesse ni
de leur direction et se contentaient de manœuvrer pour éviter les obstacles.
Lorsque le fleuve atteignait presque deux kilomètres de large et que leur
petite embarcation se soulevait et s’enfonçait comme s’il y avait eu de la
houle, ils avaient l’impression d’être en pleine mer. Quand les parois
rocheuses se rapprochaient, ils sentaient la résistance que rencontrait le
fleuve. Le courant devenait beaucoup plus fort au fur et à mesure que le même
volume d’eau se frayait un passage entre les gorges.
Ils avaient parcouru plus d’un quart de leur route, environ
quarante kilomètres, quand le grain que Carlono avait prévu éclata, fouettant
la surface de l’eau avec une telle violence qu’ils craignirent que le bateau
finisse par être submergé par les vagues. Les parois abruptes qui bordaient le
fleuve rendaient impossible toute tentative d’accostage.
— Je n’ai pas besoin de toi pour manœuvrer, Thonolan, dit
Jondalar. Mieux vaudrait que tu écopes.
Depuis qu’ils étaient partis, les deux frères n’avaient pas
beaucoup parlé. Mais une partie de la tension qui régnait entre eux au moment
du départ s’était dissipée alors qu’ils pagayaient de concert pour que
l’embarcation ne change pas de cap.
Thonolan déposa sa pagaie au fond du bateau, saisit un outil
carré en bois qui ressemblait à une pelle et s’en servit pour vider l’eau qui
remplissait
Weitere Kostenlose Bücher