La Vallée des chevaux
bras. Aussi loin que portait son regard, il
n’apercevait que les remous qui agitaient le fleuve, des monceaux de débris et,
çà et là, quelques arbres qui marquaient l’emplacement des îles.
— Il ne nous a pas dit à quelle distance du fleuve se
trouvait ce camp, ajouta-t-il.
Ils pataugèrent dans la vase jusqu’à l’extrémité nord de
l’étroite langue de terre et plongèrent à nouveau dans l’eau glacée. Remarquant
une rangée d’arbres qui se trouvaient en aval et de l’autre côté du bras d’eau,
Jondalar se dirigea de ce côté. Cette traversée les avait fatigués. Le souffle
court, ils grimpèrent d’un pas chancelant sur une plage de sable gris. Leurs
longs cheveux ruisselaient et leurs vêtements en cuir étaient trempés.
Le soleil de fin d’après-midi, qui avait réussi à percer les
nuages, illumina le paysage sans les réchauffer pour autant. Tant qu’ils
s’étaient activés, ils n’avaient pas eu froid mais quand le vent venu du nord
commença à souffler, ils se mirent à trembler dans leurs vêtements mouillés et
allèrent s’abriter derrière une rangée d’aulnes clairsemés.
— Nous n’avons qu’à camper ici, proposa Jondalar.
— Il fait encore jour. Mieux vaudrait continuer.
— Le temps que nous construisions un abri et allumions un
feu, il fera nuit.
— Si nous repartons tout de suite, nous pourrons peut-être
trouver le camp mamutoï avant la nuit.
— Je ne crois pas que j’en serai capable, avoua Jondalar.
— Montre-moi ta blessure.
Jondalar souleva sa tunique. L’endroit où il avait été blessé
par la racine était en train de changer de couleur et il portait une entaille
qui avait dû saigner. Le cuir de sa tunique avait fait office de pansement et
arrêté le saignement. Mais la tunique avait été perforée et il se demanda s’il
n’avait pas une côte cassée.
— M’asseoir près d’un feu ne me ferait pas de mal, dit-il.
Ils regardèrent autour d’eux l’eau boueuse agitée de remous, les
bancs de sable en mouvement et toute cette végétation charriée en tous sens par
le fleuve. Des fouillis de branches entrelacées à des troncs étaient entraînés
par le courant vers la mer, s’accrochant de-ci de-là aux prises que leur
offrait le fond. Dans le lointain, on apercevait des arbres et des buissons
couverts de bourgeons qui avaient réussi à s’ancrer dans des îlots plus
stables.
Partout où ils avaient pu s’enraciner poussaient des roseaux et
des herbes des marais. Non loin de là, des touffes de carex hautes de un mètre
et couvertes de feuilles vertes paraissaient plus vigoureuses qu’elles ne
l’étaient en réalité. Des lis des marais, aux feuilles en forme de glaive, de
la même hauteur, étouffaient les joncs aigus qui émergeaient péniblement du
sol. Dans le marais près de la rive, les prêles, les roseaux et les scirpes
atteignaient trois mètres et semblaient gigantesques comparés aux deux hommes.
Des phragmites, couronnés de balais pourpre, les dépassaient encore d’un bon
mètre.
Les deux frères avaient tout perdu quand leur embarcation avait
sombré au fond du fleuve, emportant même les deux sacs qu’ils transportaient
depuis le début de leur Voyage. Ils n’avaient plus que les vêtements qu’ils
portaient sur le dos. Heureusement, depuis sa pêche à l’esturgeon mouvementée
et sa rencontre avec les Têtes Plates, Jondalar transportait toujours sur lui
une petite sacoche remplie d’outils.
— Je vais voir si ces massettes n’ont pas de tiges de l’an
dernier suffisamment sèches pour fabriquer une drille à feu, dit-il en essayant
de ne pas penser à la douleur qui lui taraudait le flanc. Essaie de trouver un
peu de bois sec.
Non seulement les tiges de massette leur permirent de fabriquer
une drille à feu mais, en entrelaçant les longues feuilles des roseaux et en
les posant sur un cadre en bois d’aulne, ils confectionnèrent aussi un abri au
toit en pente qui leur permit de bénéficier pleinement de la chaleur dégagée
par le feu. Les extrémités vertes et les racines tendres de cette plante cuites
sur les braises avec quelques rhizomes de lis et la base immergée des scirpes [7] constituèrent le premier plat de leur repas. Un jeune aulne, taillé en pointe
et lancé avec précision, leur permit de tuer deux canards sauvages qui furent
cuits à leur tour sur le feu. Avec les longues tiges flexibles des scirpes, ils
eurent vite fait de fabriquer des nattes
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