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La vie quotidienne en chine: A la veille de l'invasion mongole (1250-1276) (Picquier poche) (French Edition)

La vie quotidienne en chine: A la veille de l'invasion mongole (1250-1276) (Picquier poche) (French Edition)

Titel: La vie quotidienne en chine: A la veille de l'invasion mongole (1250-1276) (Picquier poche) (French Edition) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: JACQUES GERNET
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Chine à partir du III e siècle avant notre ère
n’est peut-être pas sans lien avec les conceptions
et les attitudes les plus manifestes de l’homme
chinois. L’ordre qui règne dans la Chine impériale est un ordre moral qu’un Etat autocratique
a su imposer de proche en proche jusque dans
ces plus petites unités sociales que constituent
les familles. L’indistinction entre l’homme privé
et l’homme public, entre les devoirs familiaux et
les devoirs civiques, tel est le fondement de la
conception chinoise du gouvernement : morale et
politique ne font qu’un. Là où règnent l’accord
des consciences, le respect des parents, des aînés
et des supérieurs, là où l’individu est parfaitement intégré à son groupe, la contrainte n’est
plus nécessaire et, par suite, une certaine autonomie peut être laissée aux unités régionales,
villageoises et familiales.
    A vrai dire, l’immensité de l’empire rend
nécessaire cette relative liberté et l’on peut direque les Chinois ont su découvrir le moyen de
gouverner la plus grande masse humaine avec le
minimum d’intervention directe : c’est de façon
concrète, au niveau des plus petits groupements
sociaux, que doit régner l’ordre. Or, il semble
bien que cette forme si originale d’Etat politique
ait eu des répercussions sur la conception chinoise de l’homme et du monde. L’ordre du
monde est le résultat d’un ensemble d’adaptations spontanées. Tout est affaire d’exemple,
d’influence, non pas de loi. Il n’y a point de loi
dans la nature, car la nature elle-même agit
par contagion. Ainsi s’expliquent les différences
de tempéraments que l’on constate entre les
hommes. Les habitants de la Chine du Nord, où
domine l’élément Terre, sont solides, sincères,
fidèles à leur parole, mais un peu lents d’esprit.
Ceux du Sud, au contraire, où domine l’élément
Eau, sont vifs, habiles, pleins d’astuce, mais en
même temps volontiers légers et superficiels 1 . Ainsi, chaque être est naturellement à sa place
dans l’univers. Une harmonie concrète règne
entre l’homme et le cosmos. Elle est faite d’une
multitude de correspondances et s’exprime aussi
bien dans les conceptions physiologiques, la
cosmologie, les arts, les techniques, la divination, que dans les règles qui régissent les rapports sociaux et les comportements imposés par
la morale. Aussi l’homme n’est-il le siège d’aucun conflit intérieur. Il n’est pas à mi-cheminentre le divin et le bestial. Seuls des problèmes
humains se posent à lui : rien n’est plus étranger
au génie chinois que l’inquiétude et l’angoisse
métaphysiques.
    Sans doute l’idée que la nature humaine a
besoin d’être éduquée, que le dressage est nécessaire est-elle généralement partagée. Mais plus
souvent encore sont exaltés les bienfaits du naturel et de l’adaptation spontanée des êtres à
leur milieu. Tous les hommes sont capables de
bons sentiments. Tous possèdent les germes de
cette bonté naturelle que l’on rencontre même
chez les animaux. Dans la campagne, près de
Hangzhou, se trouve un lieu dit le Tombeau du
Bon Chien et, à proximité de cet endroit, un pont
nommé le pont du Bon Chien. En 1275, les
vieillards de la ville racontaient encore qu’autrefois un homme dont les vêtements étaient en
flammes avait été sauvé par son chien qui eut la
présence d’esprit de se tremper dans l’eau et
d’asperger son maître. Lorsque le chien mourut,
les paysans enterrèrent cette brave bête à cet
endroit et nommèrent ainsi le pont en souvenir
de sa fidélité 2 . Seuls de mauvais exemples et les
excès de misère peuvent altérer le bon naturel de
chacun. Mais, s’il ne souffre ni de la faim ni du
froid et s’il est encouragé au bien, l’homme
agira conformément à la morale.
    Tolérance et foi en l’homme qui procèdent
d’une croyance bien assise dans les vertus de lavie en société, telles sont les tendances morales
les plus évidentes des Chinois. Mais ces tendances sont en rapport avec une représentation
du monde qui forme un système si bien agencé
qu’elle exclut la notion de progrès. Elle est faite
d’équilibres et non pas de contradictions. Aussi
l’action humaine n’apparaît-elle pas dans la
Chine impériale sous les mêmes aspects qu’en
Occident : dès qu’elle ne s’inspire plus de la tradition, dès qu’elle est originale et indépendante,
elle est sentie comme désordre.
    Cependant, au

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