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La vie quotidienne en chine: A la veille de l'invasion mongole (1250-1276) (Picquier poche) (French Edition)

La vie quotidienne en chine: A la veille de l'invasion mongole (1250-1276) (Picquier poche) (French Edition)

Titel: La vie quotidienne en chine: A la veille de l'invasion mongole (1250-1276) (Picquier poche) (French Edition) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: JACQUES GERNET
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    INTRODUCTION
     
    On s’est longtemps plu à considérer le monde
chinois comme immuable ou, du moins, à souligner son extraordinaire continuité. Mais il n’y a
là qu’un effet d’optique : ce qu’on distingue mal
paraît toujours uniforme. Aussi méconnue dans
la complexité de son évolution, aussi négligée
par les historiens, notre civilisation héritée de
l’Antiquité classique risquerait fort d’apparaître
avec la même grandeur immobile, avec je ne
sais quoi de chinois qui tiendrait à la permanence de certaines traditions et de certaines attitudes d’esprit. D’ailleurs, l’illusion contiendrait
une part de vérité : notre civilisation est en fait
aussi étrange, aussi arbitraire dans ses choix
que celle de la Chine. Pour mieux saisir son originalité fondamentale, il lui manque des points
de comparaison. Or, elle n’a pas cessé de se
contempler elle-même.
    Encore une fois, elle n’a pas le privilège d’évoluer. Avec le progrès des recherches, l’image
conventionnelle qu’on se faisait de la Chine esten train de s’évanouir. Et quand la brume qui
voilait les contours de l’histoire chinoise se dissipe, ce qu’on découvre, ce n’est pas la continuité, l’immobilisme, mais une suite de violentes
secousses, de bouleversements, de ruptures.
Ainsi, du IV e au VI e siècle de notre ère, la Chine
traverse une période dont elle sortira méconnaissable : l’installation des nomades des
steppes dans les provinces du Nord et le triomphe
général du bouddhisme y laisseront de profondes
empreintes. Mais chaque époque a ses caractères
originaux et comme une atmosphère qui lui est
propre. En outre, l’immensité géographique de la
Chine implique des variations assez sensibles
dans le climat, les paysages, les genres de vie,
les mœurs et les dialectes. Chaque région a sa
physionomie particulière. Ainsi, on ne peut rien
affirmer à propos de ce pays vaste comme
l’Europe et dont l’histoire connue s’étend sur
près de trois mille ans, qui ne soit daté et localisé avec précision. Il n’est plus permis de parler
de la Chine éternelle.
    Il fallait à ce livre un titre général : l’étendue
du monde chinois, la diversité de ses régions et
son incessante évolution historique exigent aussi
que son objet soit précisé. Le moment de la vie
en Chine dont on trouvera ici une description
correspond aux dernières années de la dynastie
dite des Song du Sud (1127-1279), à celles qui
précèdent la prise de la capitale par les Mongolsau début de 1276. Le lieu choisi, c’est la région
de Hangzhou et plus particulièrement la ville elle-même, siège d’une grande préfecture qui portait
alors le nom de Lin’an, capitale de la Chine à
cette époque. Lieu d’excursion renommé pour le
charme de son paysage. Hangzhou est aujourd’hui une petite ville de quelques centaines de
milliers d’habitants, située à 200 kilomètres au
sud-ouest de Shanghai, au fond de l’estuaire du
Zhejiang. C’était, vers 1275, une des plus grandes
et des plus riches cités du monde.
    Mais avant toute explication sur les raisons de
notre choix, un bref aperçu historique s’impose.
    Les différences sont frappantes entre la Chine
des XII e et XIII e siècles et celle des Tang, dont la
période la plus brillante se situe au VIII e siècle.
En quatre siècles, la Chine s’est métamorphosée.
A un monde rude, guerrier, quelque peu guindé
et hiératique, s’est substituée une Chine animée,
commerçante, avide de plaisirs et corrompue.
On entrevoit toujours à l’arrière-plan la vie
misérable et précaire des paysans, et cette
misère s’est même accrue de façon relative.
Mais l’atmosphère est tout autre. La Chine de
l’époque des Tang doit sa grandeur sévère à son
climat et à ses hommes. Le centre de gravité de
ce monde, ce sont les plaines poussiéreuses et
arides de la vallée du fleuve Jaune, au débouché
de la route du Gansu qui mène, à travers un cahot
de montagnes et de vallées, jusqu’aux garnisonsétablies en plein cœur de l’Asie centrale. La
Chine du XIII e siècle, le Mangi de Marco Polo
– l’opposition est si nette entre ces deux Chines
qu’elles forment deux mondes différents aux
yeux du voyageur vénitien – , est celle des riches
plaines à riz, sillonnées de canaux, qui s’étendent
entre la vallée de la Huai et les montagnes du
Zhejiang, celle des provinces maritimes du Sud-Est (actuels Jiangsu, Zhejiang et Fujian) et de
la

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