La vie quotidienne en chine: A la veille de l'invasion mongole (1250-1276) (Picquier poche) (French Edition)
celui de l’époque des
Tang. Sa politesse n’est pas feinte : elle ne se
résume pas en effet dans un code purement formel, dans des rites ; au contraire, toute sa vie
sociale, fondée sur des échanges de présents et
de services, est imprégnée de chaleur humaine
et de sympathie. Sa bienveillance s’étend même
aux étrangers. « Ils traitent avec cordialité les
étrangers qui viennent à eux pour leurs affaires,
dit Marco Polo, les accueillent volontiers sous
leur toit, leur font mille prévenances et, tant
qu’ils peuvent, leur fournissent aide et conseil
dans leurs affaires 5 . »
Il aime à plaisanter et il existe un humour spécifiquement chinois qui fait volontiers appel
aux calembours et aux jeux de mots : c’est à
l’époque des Song qu’on commence à avoir sur
ce genre d’humour le plus grand nombre de
témoignages. C’est une moquerie sans méchanceté qui s’exerce parfois aux dépens des habitants de la région voisine, car le vif attachement
des Chinois à leur pays natal va de pair avec un
mépris amusé pour les coutumes des provinces
limitrophes. Les citadins de Kaifeng se moquaient
de la gaucherie et du patois des paysans du
Shandong et du Hebei. Les gens des plaines de
Chengdu, au Sichuan occidental, tournaient en
ridicule les habitants des régions montagneuses
du Sichuan oriental 6 . A Shaoxing, sur la rive sud
de l’estuaire du Zhejiang, poissons et bois de
chauffage sont rares malgré le grand nombre des
lacs et des cours d’eau, et malgré la nature montagneuse de la région. Aussi un dicton qui avait
cours à Hangzhou déclarait-il : « (A Shaoxing) il
y a des montagnes, mais il n’y a pas de bois ; il y
a de l’eau, mais il n’y a pas de poissons ; il y a
des hommes, mais il n’y a pas de loyauté. » Ce
dicton avait le don d’irriter les gens de Shaoxing,
et à peine en prononçait-on devant eux les premiers mots qu’ils entraient en fureur 7 .
Cet homme chinois nous paraît si humain par
ses contradictions, par ses excès, si proche de
nous, si familier que pour un peu nous oublierions tout ce qui nous en distingue : sa conception de l’homme et du monde, ses aspirations,
les cheminements propres à sa pensée, sa sensibilité particulière – en un mot, tout ce qu’il porte
en lui de sa civilisation.
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1 . Jile bian , Shuofu , XXVII, f o 4 a.
2 . MLL , XVIII, 3, p. 290.
3 . Guixin zazhi , xu B, § 31.
4 . Jile bian , Shuofu , XXVII, f o 19 b.
5 . MP , III, p. 87. La sympathie à l’égard des étrangers
est mêlée de curiosité. « Chaque fois qu’il m’est arrivé
de visiter une de leurs villes, dit le voyageur arabe Ibn
Batuta au début du XIV e siècle, et que j’y suis retourné
par la suite, j’ai toujours trouvé des dessins me représentant, moi et mes compagnons, tracés sur les murs ou
bien exposés dans les bazars. » Ces dessins faits au pied
levé pouvaient servir le cas échéant à des identifications
policières. Cf. Y ULE et C ORDIER , Cathay and the Way
thither , IV, p. 114.
6 . Nanbu xinshu , Shuofu , XXVI, f o 3 a-b.
7 . Jile bian , Shuofu , XXVII, f o 3 b.
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