La vie quotidienne en chine: A la veille de l'invasion mongole (1250-1276) (Picquier poche) (French Edition)
Song
aimaient en effet à représenter des scènes de la
vie intime des classes riches ou des scènes de
rue. Citons, entre autres documents de cette
nature, un long rouleau représentant la ville de
Kaifeng au début du XII e siècle, rouleau attribué
à un artiste spécialisé dans la peinture des
murailles de ville et des charrettes. Malheureusement, ce qui est parvenu jusqu’à nous de
ces peintures de genre réaliste et vivant se limite
à un très petit nombre de pièces (ou, plus exactement, de copies), à cause de l’attachement tropexclusif des collectionneurs de l’époque des
Ming (1368-1644) pour les peintures de fleurs,
de bambous et de paysages.
Cependant, la pauvreté des documents archéologiques est très largement compensée par la
richesse presque inépuisable des sources littéraires. C’est à l’époque des Song que les textes
où il est possible de puiser des renseignements
sur les conditions de la vie quotidienne en Chine
commencent à devenir plus nombreux : notes
prises au jour le jour, recueils d’anecdotes, journaux de voyages, contes, monographies locales
fournissent sur la vie en Chine une foule de
détails précis et pittoresques. Ce qui explique ce
soudain accroissement de nos sources, c’est l’apparition de l’imprimerie et sa diffusion à partir
du X e siècle, les progrès de l’instruction et, parallèlement, le développement d’une classe marchande qui n’avait pas, à l’égard des détails
triviaux de la vie de tous les jours, le même
mépris que les lettrés-fonctionnaires. Mais surtout, grâce à des descriptions de contemporains,
aux monographies locales rédigées à l’initiative
de l’administration, il est possible d’avoir sur la
ville de Hangzhou, vers l’année 1275, une masse
étonnante d’informations. Sur les rues, les canaux,
les bâtiments, les administrations, les marchés et
les commerces, les fêtes et les distractions, il n’y
a rien de ce qui intéresse leur ville que les habitants aient négligé de nous signaler. C’est aupoint que l’on peut aujourd’hui reconstituer cette
capitale dans ses moindres détails, y fixer l’emplacement de chaque type de commerce, de chaque
temple. Nous connaissons même le nom des courtisanes les plus célèbres, le nombre des pavés de
l’avenue principale, les bonnes adresses : c’est
près de tel pont, chez un tel que l’on trouve les
meilleures fritures au miel, dans telle ruelle que
l’on vend les plus beaux éventails.
Le choix de cette ville avait un autre avantage.
Marco Polo y séjourna assez longtemps au cours
des années 1276-1292, entre le moment de la
chute de Hangzhou aux mains des Mongols et
celui de son retour en Europe. A ce moment, la
vie dans cette ville n’avait pas encore beaucoup
changé. La description que Marco Polo a laissée
de la capitale de la Chine est une des plus
longues et des plus détaillées que contiennent ses
mémoires. C’est aussi l’une des plus vivantes. Si,
comme l’indiquent certaines versions de son
livre, Marco Polo s’est servi d’une description
officielle remise au général mongol qui fit le
siège de Hangzhou au début de 1276, tout prouve
qu’il a fait aussi très souvent appel à ses souvenirs personnels. Son étonnement et son admiration sont manifestes. Ses descriptions à la fois
savoureuses et naïves valaient d’être confrontées
avec les données des textes chinois : on verra
qu’elles concordent bien souvent et de façon très
précise avec les indications que nous ont laisséesles habitants de Hangzhou. La version dite de
Ramusio, qui a été longtemps tenue en suspicion
et qui est, sur Hangzhou, beaucoup plus détaillée
que les versions courantes du Livre de Marco
Polo, se trouve confirmée dans la plupart de ses
détails par les sources chinoises. C’est à elle que
nous nous sommes rapporté.
Aussi bien ce livre a-t-il été écrit presque
intégralement à l’aide de documents chinois
originaux et, sur beaucoup de points, il apporte
des informations entièrement neuves. Les travaux qui auraient pu être utiles sont encore
rares, car les différents aspects de la vie quotidienne n’ont guère attiré jusqu’ici des chercheurs trop peu nombreux. En outre, le chinois
est assurément une langue difficile. Que ces circonstances puissent servir d’excuse aux imperfections de ce livre !
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1 . Si on s’en rapporte aux recensements officiels, la population
totale de la Chine aurait presque doublé
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