La vie quotidienne en chine: A la veille de l'invasion mongole (1250-1276) (Picquier poche) (French Edition)
dirai encore une autre chose, dit
Marco Polo. Sachez que tous les bourgeois de
ladite cité, et tous les autres gens qui y demeurent,
ont cette coutume que chacun a, écrits sur sa
porte, son nom, le nom de sa femme, celui de
ses enfants, de ses esclaves et de tous ceux qui
demeurent en la maison, et encore le nombre de
bêtes qu’il y tient ; et s’il advient que quelqu’un
meurt en la maison, on efface son nom de l’écriteau qui est sur la porte ; et, si un enfant y naît,
on l’inscrit avec les autres. Si bien que, de cette
manière, le sire sait combien de gens il a dans sa
cité. Et on le fait ainsi par toute la contrée du
Mangi (Chine du Sud) et du Cathay (Chine du
Nord) 8 . »
Mais on ne possède aucun chiffre précis sur la
population de Hangzhou. Le découpage administratif ne tient en effet aucun compte de la réalité urbaine. La ville est définie seulement par
ses remparts : c’est l’enceinte murée qui abrite
les organes administratifs, les protège en cas de
rébellion et protège également la paysannerie
des environs en cas de guerre. A ce moment, la
population intra muros grossit démesurément.
Mais il y a une certaine indépendance entre la
ville murée, siège administratif et militaire, et
les activités commerciales.
A Hangzhou, au XIII e siècle, le peuplement
déborde largement les remparts. Ailleurs,
comme aux grands marchés permanents qui se
trouvent sur le cours du moyen Yangzi, l’agglomération commerçante néglige la ville murée et
s’installe le long des berges, à quelque distance
des remparts. Hangzhou elle-même est une ville
aux multiples fonctions. C’est tout à la fois la
capitale, car elle abrite le palais impérial et les
services du gouvernement central, le siège d’une
grande préfecture et, en même temps, celui de
deux sous-préfectures dont les bureaux se trouvent
à l’intérieur des remparts. Enfin, Hangzhou est
une grosse agglomération marchande. Le territoire des deux sous-préfectures urbaines couvre
à la fois la ville, ses faubourgs et les campagnes
avoisinantes, si bien que l’on peut seulement sefaire une idée approximative de la population
urbaine au travers des statistiques qu’on possède
pour cette époque.
Les habitants des deux sous-préfectures de
Hangzhou ont été recensés à trois époques différentes au cours des XII e et XIII e siècles. Entre 1165
et 1173, on y dénombra 104 669 familles, soit, si
l’on admet la moyenne courante de quatre ou
cinq individus par famille, une population légèrement inférieure au demi-million. Entre 1241
et 1252, on recensa 111 336 familles, chiffre qui
dépasse alors les 500 000 habitants, et, vers
1270, enfin, 186 330 familles, c’est-à-dire une
population totale d’environ 900 000 habitants 9 .
Ces chiffres témoignent d’un accroissement soudain au cours des vingt ou trente années qui précédèrent 1270. « Aujourd’hui encore, dit un
habitant de Hangzhou en 1275, la population de
la ville ne cesse d’augmenter d’année en année
et de mois en mois. » En fait, les chiffres donnés
par les recensements doivent être considérés
comme des minimums : ni les gens de passage,
ni probablement les soldats cantonnés à Hangzhou
n’y sont compris. On peut admettre sans risque
d’erreur que l’agglomération comptait bien plus
d’un demi-million d’habitants vers 1275.
Cependant, au moment de l’installation de la
cour à Hangzhou, dans la première moitié du XII e siècle, la ville avait sans doute la même
importance que beaucoup d’autres préfecturesde cette région. Sa population, renfermée dans
ses remparts, devait être inférieure à deux cent
mille individus. L’afflux des émigrés venus des
provinces du Nord entre 1126 et 1138 accrut
soudain le nombre des habitants. Il fallut héberger tant bien que mal ces nouveaux venus qui
étaient, pour la plupart, des personnes de la
haute société originaires de Kaifeng et des provinces du Nord-Ouest. Ils connurent l’inconfort
des logements provisoires. Certains furent installés, avec leurs épouses et leurs concubines,
dans des camps militaires. Mais ces quartiers, où
la prostitution était florissante, ne convenaient
guère à des dames du grand monde. Leurs époux
durent partir à la recherche d’un logement en
ville 10 . D’autres réfugiés furent logés dans les
monastères bouddhiques de Hangzhou ou de ses
environs, et une ordonnance spéciale de l’empereur autorisa cette
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