La ville qui n'aimait pas son roi
celui de tuer un tyran.
— Vous pouvez assurer à ce Pierre de Bordeaux que s’il lui arrivait malheur, nous nous occuperions de sa famille, conclut la sœur du duc de Guise.
Elle les fit raccompagner. À aucun moment, elle ne s’était compromise, jugea-t-elle. Si ce Bordeaux réussissait là où Maurevert
avait échoué, on ne pourrait l’accuser de rien.
C’est à peu près à cette période que Catherine de Médicis revint de Reims. Elle y avait rencontré plusieurs fois le cardinal
de Bourbon, mais ce n’était pas seulement pour parler de son neveu le roi de Navarre, ou du trône que le ducde Guise proposait au vieil homme. La reine mère voulait en savoir plus sur ce que M. de Bezon avait découvert en étudiant
les registres des lettres de commission de la chancellerie.
À son retour, elle interrogea Bezon. Comment devait-elle utiliser ce qu’elle avait appris? Le nain lui conseilla de ne rien faire, et d’oublier. Nul n’avait besoin de savoir.
1 Voir : La Guerre des amoureuses , même auteur, même éditeur.
2 II y avait alors deux hôtels du Petit-Bourbon. Le premier, situé à l’angle de la rue de Tournon, avait été construit par Louis
de Bourbon, duc de Montpensier. Il donna son nom à la rue du Petit-Bourbon devenue la rue Saint-Sulpice. Le second était l’hôtel
des ducs de Bourbon, construit au xiii e siècle par Louis de Clermont, et séparé du Louvre par la rue de l’Autriche.
3 La rue Guisarde, comme la rue Princesse, mitoyenne, ont été nommées ainsi en souvenir de la princesse de Guise.
4 Ces paroles sont extraites des sermons du père Boucher.
3.
Pour Henri de Bourbon, l’année 1588 s’ouvrait sur de meilleurs auspices que les deux précédentes. Par l’éclatante victoire
de Coutras, le roi de Navarre avait brisé la fatalité qui voulait que les protestants soient toujours battus sur les champs
de bataille. La honteuse défaite de Jarnac était effacée.
Mais surtout, il était enfin reconnu chef incontesté des protestants du royaume, cette communauté que les pasteurs avaient
longtemps voulu transformer en Provinces-Unies dont il n’aurait été que le lieutenant-général. Les princes de sang l’avaient
tous rejoint, ou lui avaient prêté allégeance. Condé et ses deux frères, le comte de Soissons et le prince de Conti, s’étaient
placés sous ses ordres. Quant au duc de Montpensier, autre Bourbon d’une branche éloignée, il l’avait assuré de son soutien.
Le duc de Montmorency, un des derniers grands barons du règne précédent, était un de ses plus solides alliés. Enfin, une importante
partie de la vieille noblesse du royaume de France comme les La Rochefoucauld, les Turenne, ou encore les Châtillon, le reconnaissaient
comme chef naturel et héritier du trône.
Certes, en face, le roi de France lui faisait toujours la guerre, mais c’était une guerre qu’il conduisait mollement et les
derniers fidèles du roi, qu’on appelait les politiques , conseillaient à Henri III de ménager son cousin Bourbon et même de s’allier à lui. Avec la mort du duc de Joyeuse, le plus
ligueur des membres de la cour avait disparu. Le marquis d’O, le duc d’Épernon, le duc de Retz, le maréchal de Biron ou le
maréchal de Matignon, et même le duc de Nevers, tous étaient prêts à accepter un jour Navarre comme roi, pour peu qu’il se
convertisse.
Cependant le Béarnais avait encore de nombreux adversaires. Les plus puissants étaient les Lorrains, c’est-à-dire le duc de
Guise, ses deux frères le duc de Mayenne et le cardinal de Guise, sa sœur la duchesse de Montpensier, et ses cousins : les
ducs d’Elbeuf et d’Aumale. Les Lorrains disposaient de troupes bien équipées et de milliers de mercenaires payés par l’Espagne
qui disait vouloir défendre le catholicisme et imposer la sainte Inquisition, mais qui cherchait surtout à démembrer la France.
Henri de Navarre avait aussi contre lui la population catholique du royaume qui craignait une conversion forcée s’il devenait
roi, et la damnation qui s’ensuivrait. Ce peuple crédule suivait les prédicateurs favorables aux Lorrains et à l’Espagne,
il était aussi sous l’influence d’une bourgeoisie catholique qui voulait se libérer du joug royal et payer moins d’impôts.
Ensemble, menu peuple, religieux et bourgeois s’étaient associés dans des saintes unions.
Ces unions et les Lorrains formaient la Ligue.
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