La ville qui n'aimait pas son roi
pains noirs deux fois par semaine et un prêtre venait tous les jours célébrer
la messe. Le mardi, ils virent arriver Louchart accompagné de deux archers. Le commissaire resta moins d’une heure et ils
auraient donné cher pour savoir ce qu’il était venu faire. Le jeudi, ce fut une femme en litière qui entra seule, son valet
et son équipage l’attendant dans la rue. Le reste du temps, ils virent seulement sortir deux femmes, domestiques ou cuisinières,
qui revinrent avec des légumes.
Nicolas Poulain passa plusieurs fois devant la porte du couvent afin de découvrir un moyen de se faire ouvrir, mais il y avait
dans le mur un judas grillagé qui permettait d’interroger les visiteurs et de vérifier que personne n’était dissimulé. Il
était impossible de pénétrer de force.
Il y avait bien sûr l’église de l’Ave-Maria, mais la porte intérieure qui la faisait communiquer avec le couvent était particulièrement
massive. Ils apprirent d’ailleurs qu’elle n’était ouverte pour les religieuses que lorsque la porte de l’église était fermée.
Les moniales et les fidèles ne se rencontraient jamais.
Venetianelli vint leur porter d’autres armes et chercha un moyen d’entrer. Il fit plusieurs fois le tour du couvent avec Sergio
qui, comme funambule, était capable, malgré sa rondeur, de grimper très facilement sur un toit, d’autant qu’il y avait quelques
habitations qui s’appuyaient sur les murs d’enceinte. Mais ils ne découvrirent aucun passage accessible.
Heureusement le désordre qui régnait en ville ne permettait pas aux dizainiers et cinquanteniers d’être pointilleux. D’après
le cabaretier, qui écoutait les conversations de ses clients mariniers, les crimes crapuleux sous couvert de la religion se
multipliaient dans Paris. Un nommé Mercier avait été attaqué à neuf heures du soir dans sa maison de Saint-André-des-Arts
par deux ligueurs qui l’avaient poignardé et jeté dans la rivière sous prétexte qu’il était hérétique.
Il y avait aussi les exactions des gens de guerre du Balafré qui forçaient les portes des maisons bourgeoises pour arrêter leurs propriétaires accusés d’être huguenots ou politiques (ces deux termes étant désormais équivalents!). Ils assuraient les conduire auprès du duc de Guise pour être interrogés, mais en chemin ils les rançonnaient en les menaçant de leur couper la gorge.
Ces infâmes brigandages, ce fut Frinchier qui les raconta à Nicolas quand il vint le vendredi. L’huissier avait obtenu quelques renseignements sur le frère du cabaretier. Ce n’étaient pas de bonnes nouvelles. L’Angevin était enfermé à la Conciergerie et le procureur qui instruisait son affaire était ligueur. Dans ses premières conclusions, il avait requis non qu’il soit pendu mais brûlé tout vif comme abominable hérétique, calviniste et athéiste!
Le pauvre Guitel parut assommé quand Nicolas lui rapporta ces nouvelles le soir même. Il resta longuement silencieux, les
yeux hagards et les mains tremblantes.
— Vous pourrez aller le voir à la Conciergerie, lui dit Poulain, et au moins soulager ses derniers jours.
— Mon frère… mon frère… murmurait le pauvre homme.
Il ne demanda même pas s’il y avait quelque espoir qu’il soit acquitté. La mort était si courante qu’elle était acceptée comme
une fatalité.
— Je vous donnerai dix écus, promit Poulain. Renseignez-vous à la Conciergerie. Contre cette somme, l’exécuteur l’étranglera avant d’allumer le bûcher.
Le cabaretier opina entre deux sanglots. Il connaissait l’usage.
Le samedi, les beaux-parents arrivèrent en pleurs au Porc-Épic après la visite à leur fille. Cette fois, ils en savaient plus
sur la prison des deux femmes, celles-ci ayant dit qu’elles étaient enfermées dans une tour, sans doute la tour Montgomery.
Ils expliquèrent ensuite que Louchart était venu dans la semaine pour déclarer à Marguerite qu’elle passerait en jugement
au Châtelet pour hérésie et que son mari serait jugé par contumace. Le commissaire lui avait juré qu’elle serait condamnée
à être brûlée. L’exécution ne serait commuée en enfermement dans un couvent que si Nicolas se rendait. Depuis cette visite,
Marguerite pleurait tous les jours.
Nicolas avait serré les poings, se jurant intérieurement qu’il tuerait Louchart.
Quant à Cassandre, le commissaire lui avait expliqué savoir qui
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