La ville qui n'aimait pas son roi
Dieu est venu à mon secours et m’a inspiré. Je vais maintenant
aller à l’église pour le remercier.
Il conclut par ces fermes mots :
— Je veux désormais que le peuple me parle en sujet, et non en roi!
Excepté le cardinal de Guise et l’archevêque de Lyon, tous les membres du conseil approuvèrent en hochant la tête. Chez le
peuple des Francs, le pouvoir de rendre la justice appartenait au roi qui le déléguait aux magistrats, mais il pouvait toujours
l’exercer directement. Henri III n’avait donc commis aucune action déshonorante en livrant celui qui voulait le défaire aux
coups de ses gentilshommes. De surcroît, il avait fait preuve d’énergie et d’habileté.
Le cardinal de Guise et l’archevêque de Lyon se laissèrent emmener sans résistance par Larchant. Bellegarde était déjà en
route avec une troupe d’archers pour arrêter le duc de Nemours.
Sur un signe du roi, François d’O sortit. Le marquis ne s’était pas compromis dans l’assassinat, car comme Crillon et Aumont,
il avait jugé que l’exécution du duc de Guise n’était pas la tâche d’un gentilhomme, en revanche, il avait maintenant à prendre
une part importante de la besogne. Les forces du roi étaient bien faibles en comparaison de celles des Lorrains. Il faudrait
du temps pour rassembler les gardes françaises qui logeaient en ville et dans les environs. Or, la mort du duc, sitôt qu’elle
se saurait, allait immanquablement provoquer une vague de haine envers le roi. Comme les guisards étaient en force dans le
château et dans la ville, le roi devait les prendre de vitesse s’il ne voulait pas subir leur vengeance.
Le danger venait des mercenaires allemands, des compagnies d’Albanais et des reîtres. O se rendit chez leurs capitaines qui
logeaient au château. Froidement, il leur annonça la mort de leur maître et leur offrit immédiatement dix mille écus s’ils se mettaient aux ordres du roi. Ils acceptèrent.
Ainsi l’or pris au duc de Guise servirait à mettre ses troupes au service du roi de France!
Dans un mélange d’impatience et d’inquiétude, Richelieu attendait la venue d’un émissaire qui lui dirait si tout s’était bien
passé. Informé de l’entreprise quelques jours plus tôt, il avait approuvé le dessein du roi de punir le duc après toutes ses
insolences et les révoltes qu’il avait manigancées. Convaincu des crimes de lèse-majesté des princes lorrains, le roi justicier
n’avait pas besoin de passer par les formalités d’un tribunal.
La veille, après lui avoir annoncé quand aurait lieu l’exécution du duc de Guise, Henri III lui avait confié les tâches de
police qui suivraient : le Grand prévôt de France arrêterait tous les complices de la conspiration pendant que Larchant saisirait
le cardinal de Bourbon, Mme de Nemours, le duc d’Elbeuf et le fils du duc de Guise.
L’arrivée de Poulain fut pour Richelieu un soulagement, tant il craignait que le roi repousse à nouveau sa décision. Nicolas
lui ayant brièvement raconté ce à quoi il avait assisté, ils sortirent et se séparèrent. Richelieu se dirigea vers les arcades
où une cinquantaine de Suisses l’attendaient.
Comme la pluie redoublait, Nicolas revint en courant vers le logis royal tandis qu’une centaine de gardes du roi avec à leur
tête Montigny prenaient possession de la porte du château.
Henri III était toujours dans la salle du conseil en compagnie du maréchal d’Aumont et du duc de Retz quand Poulain entra,
trempé. Les secrétaires d’État, visiblement inquiets, attendaient les ordres. Plusieurs des ordinaires , pourpoints et chausses encore rouges du sang de Guise, étaient rassemblés autour de Michel de Gast, le premier lieutenant de Montpezat. Ils félicitaient bruyamment Saint-Malin, un des premiers
à avoir porté un coup mortel.
— Je vous attendais, Poulain, dit le roi. Venez avec moi!
Nicolas le suivit vers sa chambre, mais Henri III prit l’escalier en limaçon pour descendre chez Catherine de Médicis.
— Je ne peux rester avec madame ma mère, monsieur Poulain, vous lui raconterez ce que vous avez vu et vous resterez à sa disposition, ordonna-t-il.
Il entra dans la chambre de Catherine de Médicis d’un pas assuré et, s’étant approché de son lit, il lui déclara devant Filippo
Cavriana, son médecin :
— Le roi de Paris n’est plus, madame, je suis roi désormais.
Bien sûr, tous les
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