La ville qui n'aimait pas son roi
gris, trop léger en cette fin décembre, et oublia de revêtir sa jaque de mailles.
Suivi de quelques officiers, il prit la petite galerie menant de sa chambre au porche aux Bretons . Il s’arrêta à un oratoire pour une courte prière, puis sortit dans la cour.
Les gardes du roi étaient tous là. L’un d’eux s’approcha et le pria de les faire payer, ce à quoi il s’engagea avec bonhomie.
Une pluie fine tombait. Il prit rapidement le grand escalier où se tenaient d’autres gardes sur chaque marche et sentit qu’on
lui glissait un billet dans la main. Passant près d’un falot, il y jeta un regard :
« Partez! » était-il écrit.
Encore un avertissement inutile! sourit-il en le glissant dans une poche de son pourpoint.
Il s’arrêta à l’antichambre de la reine mère pour la saluer, mais Catherine, indisposée, ne put le recevoir. Il poursuivit
donc jusqu’au deuxième étage et entra dans la salle du conseil. Tout le monde était rassemblé autour de la grande table. Il
salua son frère le cardinal ainsi que l’archevêque de Lyon, puis les secrétaires d’État et M. d’Aumont qui garda un visage
impavide. Il dit quelques mots aimables à Retz et à Gondi mais ignora le marquis d’O qui paraissait plongé dans un dossier.
On attendait le roi et M. de Revol qui étaient dans le cabinet vieux, lui dit-on. Il frissonna et s’approcha de lacheminée pour se réchauffer. Brusquement, il sentit sa tête tourner tant il avait faim et demanda qu’on aille lui chercher
son drageoir pour qu’il croque quelques amandes.
On s’exécuta pendant qu’un valet lui proposait des prunes de Brignoles pour calmer sa fringale. Il en mangea une en silence.
Le roi se faisait attendre et chacun s’impatientait. Il était le seul debout, entre la table et la cheminée, non loin de la
porte.
Enfin le drageoir arriva. Le duc le saisissait des mains du serviteur quand il se mit à saigner du nez. Baissant la tête,
il demanda un mouchoir.
— J’ai passé une trop rude nuit avec Mme de Sauves, gloussa-t-il pour se justifier.
Chacun rit dans la salle tandis qu’il tendait son drageoir à l’assistance.
— Messieurs, qui en veut?
À cet instant M. de Revol entra, venant de la chambre du roi. Le secrétaire d’État était affreusement pâle, remarqua le cardinal
de Guise qui trouvait que ce conseil sortait de l’ordinaire et ne comprenait pas pourquoi le roi n’était toujours pas là.
— Monseigneur, le roi vous demande. Il vous attend dans son cabinet vieux, balbutia Revol.
Le duc retroussa son manteau et contourna la table, tenant dans une main ses gants et dans l’autre son drageoir d’argent. L’un des gardes devant la porte de la chambre lui marcha sur un pied. Était-ce un ultime avertissement? Quoi qu’il en soit, Guise l’ignora et se retourna vers les membres du conseil.
— Adieu, messieurs, fit-il.
Il entra dans le passage. Revol ne le suivit point.
À ce point de notre histoire, il faut rappeler que le logis royal de Blois est formé de deux parties séparées par l’ancienne
muraille du vieux château. En ce temps-là, lessalles publiques donnaient sur la cour et les appartements privés du roi avaient leurs fenêtres sur les fossés et les jardins.
La salle du conseil était donc côté cour. Ces deux parties communiquaient par de nombreux passages dans l’épais mur de soutien.
Celui entre la salle du conseil et la chambre du roi contenait un escalier à vis qui permettait de passer d’un étage à l’autre 2 .
La salle du conseil se prolongeait à droite par la salle des gardes, et par la gauche par le cabinet vieux (qui n’existe plus).
Mais depuis que le roi avait fait murer la porte entre la salle du conseil et le cabinet vieux, il était nécessaire de passer
par ses appartements pour s’y rendre. Le cheminement était donc le suivant : de la salle du conseil, on allait dans la chambre
du roi en prenant le passage de l’escalier à vis. Là, on avait à main droite le cabinet neuf et à main gauche un oratoire
avec un couloir étroit qui conduisait au cabinet vieux.
L’oratoire communiquait aussi avec une bibliothèque, située au-dessus du cabinet aux secrets de la reine mère, et comme ce
cabinet, cette bibliothèque avait une porte donnant sur l’escalier accolé à la tour du Moulin et par lequel on descendait
à la galerie des Cerfs. De la tour, par un étroit passage dans le mur, il était aussi
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