La ville qui n'aimait pas son roi
d’arme.
Mais le roi recevait toujours ses familiers et ceux qu’il estimait dans son cabinet ou dans sa chambre sans les faire fouiller.
Il suffirait que Clément accompagne une telle personne pour être conduit près du tyran, avait remarqué le curé Boucher.
Boucher était un homme de grand talent dans l’intrigue et avait bâti un plan habile. Il avait proposé que Jean Le Clerc saisisse
et enferme dans la Bastille quelques amis du roi, par exemple le premier président Achille de Harlay qui avait toujours proclamé
sa loyauté envers son monarque. Ces hommes emprisonnés devaient être odieusement maltraités avant d’être libérés. Certainement
le roi les recevrait pour les récompenser de leur fidélité.
— Je vous l’accorde, avait ironisé la duchesse, mais M. de Harlay ne tuera pas le roi…
— En effet, avait souri le curé, mais imaginons qu’en prison M. de Harlay se soit lié d’amitié avec un confesseur, ou un chapelain. Et qu’il souhaite que cet homme l’accompagne à la cour, il serait présent le jour où Harlay verrait le roi…
— Clément! avait lâché la duchesse, comprenant le plan diabolique.
C’était donc elle qui avait donné des ordres pour que Harlay soit arrêté.
Le colonel Alphonse d’Ornano avait quitté Blois aussitôt après l’assassinat de Guise. Il avait ordre d’arrêter Mayenne à Lyon,
mais ce dernier, prévenu à temps, était sorti de la ville par une porte au moment où Ornano entrait par une autre.
Mayenne s’était réfugié à Dijon, ville dont il était gouverneur et où il se savait en sécurité. L’exécution de ses frères
ne l’avait pas accablé. Il ne regrettait pas Henri qui l’avait toujours méprisé, d’autant que sa disparition faisait de lui
le chef de la famille, mais il ne tenait pas à s’engager imprudemment dans une rébellion. S’il était bouillant de caractère,
il était aussi prudent dans les situations hasardeuses.
À Paris, son cousin Aumale, bien que gouverneur en titre, lui avait appris que le pouvoir était dans les mains du conseil du Seize et de Le Clerc; que celui-ci avait arrêté les présidents des chambres, l’avocat général et les principaux magistrats royalistes; qu’il avait nommé Barnabé Brisson, un simple conseiller, comme premier président à la place d’Achille de Harlay; et qu’il avait installé dans chaque quartier des conseils de police pour surveiller la population.
Ces représentants des quartiers dirigeaient la ville et si le Lion Rampant , surnom du chevalier d’Aumale – frère cadet du duc –, siégeait parmi les Seize, les Lorrains n’avaient aucun pouvoir. C’était
aussi ce que lui avait écrit sa sœur, mais en lui assurant que ce n’était que provisoire. S’il la rejoignait, il deviendrait de facto le chef de la Ligue, car elle n’était pas sans influence. Le Clerc l’écoutait et le curé Boucher l’admirait. Or ces deux-là
étaient les membres les plus importants du conseil des ligueurs.
À eux deux, ils pouvaient devenir les maîtres de la France.
C’était tentant, mais Charles de Mayenne préférait connaître les intentions du roi. Si celui-ci marchait sur Paris, il n’aurait
pas le temps de rassembler l’armée éparse de son frère. Il ne répondit donc à sa sœur que par de vagues promesses.
À Blois, l’origine bourbonienne de Nicolas Poulain avait vite fait le tour du château. Le roi ne cacha plus sa naissance et
avant la fin de l’année, il le reçut en présence du chancelier afin que celui-ci prépare les actes à enregistrerau parlement. En attendant, il fut nommé gentilhomme de la chambre.
Mis à part M. de Villequier, ses relations avec les proches du souverain étaient cordiales, d’autant plus que Nicolas Poulain
ne se mêlait pas de politique et ne demandait aucune faveur. Le marquis d’O et lui s’estimaient fort désormais, Richelieu
lui marquait ce qui ressemblait presque à de l’amitié. Larchant le traitait avec de grands égards, Montigny et le jeune Bellegarde,
pourtant favoris depuis la mort de Guise, étaient d’une rare courtoisie envers lui. Même l’arrogant Montpezat lui marquait
un certain respect, ce qui était exceptionnel chez l’insolent Gascon.
Le 5 janvier, Nicolas Poulain fut réveillé dans la nuit par un valet et appelé chez la reine mère. Il trouva le roi à son
chevet. Catherine de Médicis se mourait. Depuis le début de la nuit, plus rien ne la
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