La ville qui n'aimait pas son roi
rattachait à la vie. En effet le duc
de Retz, son ami de toujours, lui avait envoyé son confesseur et quand elle avait demandé son nom au prêtre, elle avait compris
qu’elle était au bout de son séjour terrestre.
Le religieux s’appelait Julien de Saint-Germain. Ainsi, la prédiction disant qu’elle mourait près de Saint-Germain était sur
le point de se vérifier. Pourtant, la reine avait cru la déjouer en ne se rendant jamais à Saint-Germain et en fuyant le quartier
de Saint-Germain-l’Auxerrois. Dans ses dernières heures, Catherine devina que les autres prédictions de ses mages se vérifieraient
toutes de la même façon. Guise était mort, son fils Henri était au bout de ses quinze années de règne. Navarre aurait donc
tout l’héritage.
Elle expira quelques heures plus tard après avoir recommandé au roi de se réconcilier avec son beau-frère, de cesser les persécutions
contre les catholiques et d’établir dans le royaume la liberté de religion. Pour ces dernières paroles, Nicolas Poulain oublia
tout le mal qu’elle avait fait.
Nicolas revit plusieurs fois son père avant son départ pour la forteresse de Chinon où il serait enfermé. L’état de santé
du vieillard s’était fortement détérioré, même si le roi l’avait fait transférer dans un appartement chauffé et lui avait
rendu ses domestiques. Le cardinal avait fait préparer par un notaire des documents pour que son fils soit assuré de ne manquer
de rien.
Les États généraux n’ayant plus de raison d’être, le roi en décida la clôture le 16 janvier. Chacun s’attendait à ce qu’il
rassemble une armée et qu’il riposte avec dureté contre l’insolence du parti ligueur, mais Henri III préféra la modération.
À dire vrai, il n’avait pas d’argent et pas assez de soldats, mais surtout il jugeait inutile d’utiliser la force puisque
les rebelles parisiens étaient désormais sans chef. Dès lors, le roi était persuadé que les bourgeois se soumettraient d’eux-mêmes.
« Morta la besta, morto il veneno », répétait Henri III, à ceux qui lui disaient que la Ligue n’était pas éteinte avec la mort du duc de Guise.
Il faisait semblant de croire que sa bonté ramènerait les égarés près de lui. Il voulait oublier qu’il avait contre lui le
pape, l’Espagne, la famille des Guise et les catholiques fanatiques.
Inutile à la cour, Poulain demanda son congé pour retrouver sa famille. On l’avait prévenu que Rouen était devenue ligueuse,
mais son père lui avait fait une lettre pour les échevins et il n’eut aucune difficulté avec le corps de ville. Cependant,
après quelques semaines, il préféra retourner à Blois avec sa femme et ses enfants.
Les nouvelles qui parvenaient à la cour sur ce qui se passait à Paris étaient inquiétantes et incroyables. Non seulement les
prédicateurs vomissaient des Iliades d’injures et de vilenies contre le roi, mais ils ordonnaient chaque jour de grandes processions. Tous les habitants étaient contraints d’y participer,
en chemise, quel que soit leur âge, leur sexe,ou le temps qu’il faisait. Des dizaines, peut-être des centaines, de Parisiens avaient, disait-on, trouvé la mort dans ces
cortèges qui duraient plusieurs heures, pieds nus, dans la neige avec un cierge en main. Les écoliers de l’université n’étaient
pas épargnés et les enfants des collèges, même ceux qui n’avaient pas atteint dix ans, restaient dans le froid en chemise.
La duchesse de Guise avait accouché d’un fils posthume qui fut baptisé le mercredi 7 février à Saint-Jean-en-Grève 2 dans une grandiose cérémonie où les capitaines des dizaines défilèrent par deux avec des flambeaux de cire blanche. Derrière
eux suivaient les archers, arquebusiers et arbalétriers de la ville en hoquetons, puis les marchands portant aussi des flambeaux.
La collation du baptême fut donnée à l’Hôtel de Ville en présence des ducs d’Aumale et de Nemours.
C’est quelques jours plus tard que le duc de Mayenne arriva à Paris, accueilli par un peuple en délire qui criait sur son passage : « Vive le duc de Mayenne! Vivent les princes catholiques! »
Ainsi Mme de Montpensier était parvenue à convaincre son frère de prendre la tête de la Ligue. Ses lettres restant sans effet,
elle avait bravé la rigueur de l’hiver pour se rendre à Dijon où, après l’avoir écoutée, Charles avait été
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