La ville qui n'aimait pas son roi
même pour Paris demain afin de prévenir la Compagnia Comica . Il sera prudent de nous faire oublier.
— Et si vous nous disiez maintenant pourquoi vous nous cherchiez? demanda Poulain.
Saveuse arriva dans l’après-midi avec ses trois cents cavaliers. Arrêté par les barricades, le capitaine guisard fit ranger
ses hommes en face des soldats de Châtillon beaucoupplus nombreux que sa troupe. Mais quand les ligueurs installèrent deux petites couleuvrines, Poulain devina que la partie
était perdue, Châtillon n’ayant que des arquebusiers. Aux premiers coups, les barricades cédèrent, le repli fut général vers
le pont sur la Loire et Saint-Symphorien resta aux mains des ligueurs.
Sitôt les couleuvrines en place, Olivier avait perçu le danger auquel la ville de Tours était exposée. Si Mayenne et le chevalier
d’Aumale avaient des forces aussi importantes que ce que Venetianelli lui avait rapporté, la prise de Saint-Symphorien ne
serait qu’un prélude. Une fois le faubourg tombé, les ligueurs attaqueraient le pont et la ville dans la soirée ou dans la
nuit. La bataille serait rude et incertaine. Le roi n’avait pas tant de soldats et de gentilshommes pour défendre Tours, surtout
si quelques bourgeois dévoués à la cause catholique les prenaient à revers. Quant à l’armée de Nevers, elle n’arriverait jamais
à temps.
Il dit quelques mots à Rosny et à Nicolas avant de sauter sur son cheval et de partir.
Pendant ce temps, de nouvelles barricades avaient été dressées devant le pont avec de grosses futailles pleines de terre. Celles-là, plus solides, devraient résister aux couleuvrines; du moins l’espérait-on. De surcroît, on avait creusé à la hâte des tranchées pour empêcher les charges de cavaliers. Derrière, et entre les barricades, le roi avait placé un millier de gardes françaises et de Suisses mais aussi deux compagnies de gentilshommes du roi et une vingtaine de quarante-cinq sous le commandement de Montpezat. Châtillon et sa compagnie de vétérans huguenots, qui venait d’évacuer Saint-Symphorien, vinrent les renforcer. Quant à Nicolas Poulain, il avait pris la tête d’une cinquantaine d’hommes d’armes. En tout donc, il y avait plus de quinze cents hommes en première ligne sous le commandement de M. de Crillon.
Le pont était la première défense. S’il était pris, le maréchal d’Aumont aurait en charge la défense de la ville avec le reste
des troupes.
En moins d’une heure, quelques centaines d’arquebusiers de Mayenne se mirent en place face aux barricades. Derrière eux, la
cavalerie des reîtres et des Albanais s’était rassemblée et attendait le pillage avec impatience. Les couleuvrines n’étaient
pas là.
— Peut-être n’ont-ils plus de poudre ou de boulet, dit Rosny à Nicolas.
Des cris et des hourras retentirent chez les ligueurs quand Saveuse apparut sur un cheval caparaçonné, en cuirasse et bourguignonne,
mais bien reconnaissable pour Poulain et Rosny. Les cavaliers albanais s’écartèrent pour le laisser passer et il se fraya
un chemin au milieu des arquebusiers. Derrière lui suivait un groupe de gentilshommes, tous avec des écharpes à la croix de
Lorraine. L’un d’eux, en armure brillante et ciselée, était plus grand que les autres. C’était le gros Mayenne sur un énorme
cheval couvert de plaques de métal.
Saveuse tenait un drapeau blanc. En restant prudemment à plus de cinquante pas, c’est-à-dire hors de la portée des mousquets,
il interpella M. de Châtillon.
— Retirez-vous, écharpes blanches! Retirez-vous, Châtillon! cria-t-il. Ce n’est pas à vous que nous en voulons, c’est aux meurtriers de votre père 2 .
C’est que Mayenne ne s’attendait pas à trouver là un ou plusieurs régiments huguenots. Ces renforts ne l’arrangeaient pas. Navarre avait-il fait entrer son armée en ville? L’alliance des deux rois était-elle conclue? Il l’ignorait et détestait cette incertitude. Saveuse avait donc pour rôle d’écarter Châtillon, laissant entendre qu’ils ne visaient que le roi et que seule la vengeance des princes lorrains le guidait. Il rappelait aussi que Henri III, quand il n’était que duc d’Anjou, avait été complice de l’assassinat de l’amiral de Coligny.
— Retirez-vous plutôt, traîtres à votre roi et à votre pays! répondit Châtillon. Je suis au service de mon prince et de l’État, et non à celui de la
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