La ville qui n'aimait pas son roi
vengeance.
Saveuse se tourna vers Mayenne qui leva une main. Les cavaliers se retirèrent derrière les lignes des arquebusiers qui firent
quelques pas, plantèrent leur fourquine. Avant qu’ils n’aient pu tirer Châtillon avait fait ouvrir le feu des arquebusiers
de Navarre. À peine la fumée s’était-elle dissipée que les cavaliers albanais chargèrent furieusement, suivis des gentilshommes
de Mayenne.
Crillon reçut une arquebusade en fermant la porte du pont et le combat débuta dans une violence inouïe. Nicolas se trouva
dans la mêlée, frappant de taille au milieu d’un groupe de gentilshommes ordinaires dont Montpezat et Saint-Malin. Le jeune
quarante-cinq qui avait participé à l’assassinat de Guise fut désarçonné d’un coup de lance et Poulain le perdit de vue.
La bataille se termina dans la soirée quand Mayenne comprit qu’il n’emporterait pas le pont. Il fit alors retirer ses forces
dans Saint-Symphorien. Chaque camp rassembla ses blessés et ses cadavres. Nicolas Poulain apprit que Larchant avait été gravement
blessé en défendant le roi et qu’on n’avait pas retrouvé Saint-Malin parmi les morts ou les blessés.
Personne ne doutait que la ville allait être assiégée, Rosny et Châtillon se virent confier la défense des îles sur la Loire
où ils installèrent des pièces d’artillerie, pourtant, à la fin de la nuit, on entendit les trompes sonnant le boute-selle 3 , puis ce furent les lueurs des incendies dans Saint-Symphorien. À l’aube, les assiégés découvrirent que Mayenne et son armée
s’étaient retirés. En même temps, les guetteurs virent arriver les cornettes de l’avant-garde de l’armée de Navarre qu’Olivier
était allé chercher.
Mayenne avait appris l’arrivée d’Henri de Bourbon et, devinant qu’il ne serait pas assez fort devant deux armées,avait livré le village à ses hommes avant de prendre la route du Mans, d’où il devait ensuite gagner la Normandie. Tours était
sauvé.
Lorsqu’il fut certain que l’ennemi s’était retiré, Nicolas Poulain proposa à Olivier, qui l’avait rejoint, et à Venetianelli
de venir souper chez lui, car ils n’avaient rien mangé depuis des heures. Le baron de Rosny se joignit à eux tant il voulait
savoir pourquoi Il Magnifichino avait pris tant de risques pour venir à Tours. En chemin, ils rencontrèrent M. de Richelieu avec deux de ses lieutenants
et quelques Suisses. Ce n’était pas une rencontre fortuite. Dans l’après-midi, Richelieu avait appris de François d’O l’arrivée
de Venetianelli et comment le comédien avait prévenu le roi des intentions de Mayenne. Poulain l’invita aussi à souper et
lui proposa de venir accompagné du marquis d’O, puisqu’ils partageaient les mêmes secrets.
Au souper, le marquis arriva le dernier. Il avait pris le temps de se laver et de se changer, et il portait un élégant pourpoint
de velours noir avec des hauts-de-chausses écarlates et une cape assortie. Les autres avaient encore les vêtements avec lesquels
ils s’étaient battus. Olivier se sentit mal à l’aise dans sa chemise déchirée et tachée, et Rosny parut fort contrarié tant
il détestait être moins élégant qu’un mignon de cour. Ce qui était le cas, ce soir-là, égratigné de toute part avec ses vêtements
rougis et lacérés.
Nicolas avait demandé à son épouse de leur servir le vin et les plats elle-même, sachant que ce que Venetianelli allait raconter
devait rester celé. Après avoir vidé plusieurs verres de vin d’Anjou, tant ils étaient assoiffés, et posé dans leur assiette
une épaisse tranche de pain sur laquelle ils répandirent la soupe, Venetianelli raconta une nouvelle fois sa capture par les
gens de Mayenne, son évasion, puis en vint ensuite aux raisons de son départ de Paris.
— Avec la Compagnia Comica , nous avons quitté Blois le lendemain de Noël. J’aurais voulu vous saluer avant departir, dit-il à Nicolas, mais j’ai jugé que les risques de vous rencontrer à nouveau étaient trop grands.
— Le roi sait ce qu’il vous doit, intervint Poulain.
— Il m’a fait passer pour vous mille écus, confirma Richelieu. Venez les chercher chez moi demain.
— Ils seront les bienvenus! sourit Venetianelli, car Thalie ne me nourrit plus en ce moment!
— Sa Majesté n’ignore pas que vous lui avez sauvé la vie cet après-midi, intervint O gravement. Savez-vous que lorsque vous lui
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